Introducción Saltana Revista de literatura i traducció A Journal of Literature & Translation Revista de literatura y traducción
El Horlá, p. 2
El Horlá, p. 1 El Horlá, p. 3
EL HORLÁ
Traducción de Esther Benítez
2 juillet.— Je rentre. Je suis guéri. J'ai fait d'ailleurs une excursion charmante. J'ai visité le mont Saint-Michel que je ne connaissais pas. Quelle vision, quand on arrive, comme moi, à Avranches, vers la fin du jour! La ville est sur une colline; et on me conduisit dans le jardin public, au bout de la cité. Je poussai un cri d'étonnement. Une baie démesurée s'étendait devant moi, à perte de vue, entre deux côtes écartées se perdant au loin dans les brumes ; et au milieu de cette immense baie jaune, sous un ciel d'or et de clarté, s'élevait sombre et pointu un mont étrange, au milieu des sables. Le soleil venait de disparaître, et sur l'horizon encore flamboyant se dessinait le profil de ce fantastique rocher qui porte sur son sommet un fantastique monument.
    Dès l'aurore, j'allai vers lui. La mer était basse, comme la veille au soir, et je regardais se dresser devant moi, à mesure que j'approchais d'elle, la surprenante abbaye. Après plusieurs heures de marche, j'atteignis l'énorme bloc de pierre qui porte la petite cité dominée par la grande église. Ayant gravi la rue étroite et rapide, j'entrai dans la plus admirable demeure gothique construite pour Dieu sur la terre, vaste comme une ville, pleine de salles basses écrasées sous des voûtes et de hautes galeries que soutiennent de frêles colonnes. J'entrai dans ce gigantesque bijou de granit, aussi léger qu'une dentelle, couvert de tours, de sveltes clochetons, où montent des escaliers tordus, et qui lancent dans le ciel bleu des jours, dans le ciel noir des nuits, leurs têtes bizarres hérissées de chimères, de diables, de bêtes fantastiques, de fleurs monstrueuses, et reliés l'un à l'autre par de fines arches ouvragées.
    Quand je fus sur le sommet, je dis au moine qui m'accompagnait: « Mon Père, comme vous devez être bien ici ! ».
    Il répondit : « Il y a beaucoup de vent, monsieur » ; et nous nous mîmes à causer en regardant monter la mer, qui courait sur le sable et le couvrait d'une cuirasse d'acier.
    Et le moine me conta des histoires, toutes les vieilles histoires de ce lieu, des légendes, toujours des légendes.
    Une d'elles me frappa beaucoup. Les gens du pays, ceux du mont, prétendent qu'on entend parler la nuit dans les sables, puis qu'on entend bêler deux chèvres, l'une avec une voix forte, l'autre avec une voix faible. Les incrédules affirment que ce sont les cris des oiseaux de mer, qui ressemblent tantôt à des bêlements, et tantôt à des plaintes humaines ; mais les pêcheurs attardés jurent avoir rencontré, rôdant sur les dunes, entre deux marées, autour de la petite ville jetée ainsi loin du monde, un vieux berger, dont on ne voit jamais la tête couverte de son manteau, et qui conduit, en marchant devant eux, un bouc à figure d'homme et une chèvre à figure de femme, tous deux avec de longs cheveux blancs et parlant sans cesse, se querellant dans une langue inconnue, puis cessant soudain de crier pour bêler de toute leur force.
    Je dis au moine : « Y croyez-vous ? » Il murmura : « Je ne sais pas ». Je repris : « S'il existait sur la terre d'autres êtres que nous, comment ne les connaîtrions-nous point depuis longtemps; comment ne les auriez-vous pas vus, vous ? comment ne les aurais-je pas vus, moi ? ».
    Il répondit : « Est-ce que nous voyons la cent millième partie de ce qui existe ? Tenez, voici le vent, qui est la plus grande force de la nature, qui renverse les hommes, abat les édifices, déracine les arbres, soulève la mer en montagnes d'eau, détruit les falaises, et jette aux brisants les grands navires, le vent qui tue, qui siffle, qui gémit, qui mugit, — l'avez-vous vu, et pouvez-vous le voir ? Il existe, pourtant ».
    Je me tus devant ce simple raisonnement. Cet homme était un sage ou peut-être un sot. Je ne l'aurais pas pu affirmer au juste; mais je me tus. Ce qu'il disait là, je l'avais pensé souvent.

3 juillet.— J'ai mal dormi ; certes, il y a ici une influence fiévreuse, car mon cocher souffre du même mal que moi. En rentrant hier, j'avais remarqué sa pâleur singulière. Je lui demandai : « Qu'est-ce que vous avez, Jean ? —  J'ai que je ne peux plus me reposer, monsieur, ce sont mes nuits qui mangent mes jours. Depuis le départ de monsieur, cela me tient comme un sort. »
    Les autres domestiques vont bien cependant, mais j'ai grand-peur d'être repris, moi.

4 juillet.— Décidément, je suis repris. Mes cauchemars anciens reviennent. Cette nuit, j'ai senti quelqu'un accroupi sur moi, et qui, sa bouche sur la mienne, buvait ma vie entre mes lèvres. Oui, il la puisait dans ma gorge, comme aurait fait une sangsue. Puis il s'est levé, repu, et moi je me suis réveillé, tellement meurtri, brisé, anéanti, que je ne pouvais plus remuer. Si cela continue encore quelques jours, je repartirai certainement.

5 juillet .— Ai-je perdu la raison ? Ce qui s'est passé la nuit dernière est tellement étrange, que ma tête s'égare quand j'y songe !
    Comme je le fais maintenant chaque soir, j'avais fermé ma porte à clef ; puis, ayant soif, je bus un demi-verre d'eau, et je remarquai par hasard que ma carafe était pleine jusqu'au bouchon de cristal.
    Je me couchai ensuite et je tombai dans un de mes sommeils épouvantables, dont je fus tiré au bout de deux heures environ par une secousse plus affreuse encore.
    Figurez-vous un homme qui dort, qu'on assassine, et qui se réveille, avec un couteau dans le poumon, et qui râle couvert de sang, et qui ne peut plus respirer, et qui va mourir, et qui ne comprend pas-voilà.
    Ayant enfin reconquis ma raison, j'eus soif de nouveau ; j'allumai une bougie et j'allai vers la table où était posée ma carafe. Je la soulevai en la penchant sur mon verre; rien ne coula. — Elle était vide ! Elle était vide complètement ! D'abord, je n'y compris rien ; puis, tout à coup, je ressentis une émotion si terrible, que je dus m'asseoir, ou plutôt, que je tombai sur une chaise ! puis, je me redressai d'un saut pour regarder autour de moi ! puis je me rassis, éperdu d'étonnement et de peur, devant le cristal transparent ! Je le contemplais avec des yeux fixes, cherchant à deviner. Mes mains tremblaient ! On avait donc bu cette eau ? Qui ? Moi ? moi, sans doute ? Ce ne pouvait être que moi ? Alors ; j'étais somnambule, je vivais, sans le savoir, de cette double vie mystérieuse qui fait douter s'il y a deux êtres en nous, ou si un être étranger, inconnaissable et invisible, anime, par moments, quand notre âme est engourdie, notre corps captif qui obéit à cet autre, comme à nous-mêmes, plus qu'à nous-mêmes.
    Ah ! qui comprendra mon angoisse abominable ? Qui comprendra l'émotion d'un homme, sain d'esprit, bien éveillé, plein de raison et qui regarde épouvanté, à travers le verre d'une carafe, un peu d'eau disparue pendant qu'il a dormi ! Et je restai là jusqu'au jour, sans oser regagner mon lit.

6 juillet.— Je deviens fou. On a encore bu toute ma carafe cette nuit; — ou plutôt, je l'ai bue ! Mais, est-ce moi ? Est-ce moi ? Qui serait-ce ? Qui ? Oh ! mon Dieu ! Je deviens fou ! Qui me sauvera ?

10 juillet.— Je viens de faire des épreuves surprenantes.
    Décidément, je suis fou ! Et pourtant !
    Le 6 juillet, avant de me coucher, j'ai placé sur ma table du vin, du lait, de l'eau, du pain et des fraises.
    On a bu — j'ai bu — toute l'eau, et un peu de lait. On n'a touché ni au vin, ni au pain, ni aux fraises.
    Le 7 juillet, j'ai renouvelé la même épreuve, qui a donné le même résultat.
    Le 8 juillet, j'ai supprimé l'eau et le lait. On n'a touché à rien.
    Le 9 juillet enfin, j'ai remis sur ma table l'eau et le lait seulement, en ayant soin d'envelopper les carafes en des linges de mousseline blanche et de ficeler les bouchons. Puis, j'ai frotté mes lèvres, ma barbe, mes mains avec de la mine de plomb, et je me suis couché.
    L'invincible sommeil m'a saisi, suivi bientôt de l'atroce réveil. Je n'avais point remué; mes draps eux-mêmes ne portaient pas de taches. Je m'élançai vers ma table. Les linges enfermant les bouteilles étaient demeurés immaculés. Je déliai les cordons, en palpitant de crainte. On avait bu toute l'eau ! on avait bu tout le lait ! Ah ! mon Dieu !...
     Je vais partir tout à l'heure pour Paris.

12 juillet.— Paris. J'avais donc perdu la tête les jours derniers ! J'ai dû être le jouet de mon imagination énervée, à moins que je ne sois vraiment somnambule, ou que j'aie subi une de ces influences constatées, mais inexplicables jusqu'ici, qu'on appelle suggestions. En tout cas, mon affolement touchait à la démence, et vingt-quatre heures de Paris ont suffi pour me remettre d'aplomb.
    Hier, après des courses et des visites, qui m'ont fait passer dans l'âme de l'air nouveau et vivifiant, j'ai fini ma soirée au Théâtre-Français. On y jouait une pièce d'Alexandre Dumas fils; et cet esprit alerte et puissant a achevé de me guérir. Certes, la solitude est dangereuse pour les intelligences qui travaillent. Il nous faut autour de nous, des hommes qui pensent et qui parlent. Quand nous sommes seuls longtemps, nous peuplons le vide de fantômes.
     Je suis rentré à l'hôtel très gai, par les boulevards. Au coudoiement de la foule, je songeais, non sans ironie, à mes terreurs, à mes suppositions de l'autre semaine, car j'ai cru, oui, j'ai cru qu'un être invisible habitait sous mon toit. Comme notre tête est faible et s'effare, et s'égare vite, dès qu'un petit fait incompréhensible nous frappe !
    Au lieu de conclure par ces simples mots: « Je ne comprends pas parce que la cause m'échappe », nous imaginons aussitôt des mystères effrayants et des puissances surnaturelles.

14 juillet.—  Fête de la République. Je me suis promené par les rues. Les pétards et les drapeaux m'amusaient comme un enfant. C'est pourtant fort bête d'être joyeux, à date fixe, par décret du gouvernement. Le peuple est un troupeau imbécile, tantôt stupidement patient et tantôt férocement révolté. On lui dit : « Amuse-toi. » Il s'amuse. On lui dit : « Va te battre avec le voisin. » Il va se battre. On lui dit: « Vote pour l'Empereur. » Il vote pour l'Empereur. Puis, on lui dit : « Vote pour la République. » Et il vote pour la République.
    Ceux qui le dirigent sont aussi sots ; mais au lieu d'obéir à des hommes, ils obéissent à des principes, lesquels ne peuvent être que niais, stériles et faux, par cela même qu'ils sont des principes, c'est-à-dire des idées réputées certaines et immuables, en ce monde où l'on n'est sûr de rien, puisque la lumière est une illusion, puisque le bruit est une illusion.

16 juillet.— J'ai vu hier des choses qui m'ont beaucoup troublé.
    Je dînais chez ma cousine, Mme Sablé, dont le mari commande le 76e chasseurs à Limoges. Je me trouvais chez elle avec deux jeunes femmes, dont l'une a épousé un médecin, le docteur Parent, qui s'occupe beaucoup des maladies nerveuses et des manifestations extraordinaires auxquelles donnent lieu en ce moment les expériences sur l'hypnotisme et la suggestion.
Il nous raconta longtemps les résultats prodigieux obtenus par des savants anglais et par les médecins de l'école de Nancy.
    Les faits qu'il avança me parurent tellement bizarres, que je me déclarai tout à fait incrédule.
    « Nous sommes, affirmait-il, sur le point de découvrir un des plus importants secrets de la nature, je veux dire, un de ses plus importants secrets sur cette terre; car elle en a certes d'autrement importants, là-bas, dans les étoiles. Depuis que l'homme pense, depuis qu'il sait dire et écrire sa pensée, il se sent frôlé par un mystère impénétrable pour ses sens grossiers et imparfaits, et il tâche de suppléer, par l'effort de son intelligence, à l'impuissance de ses organes. Quand cette intelligence demeurait encore à l'état rudimentaire, cette hantise des phénomènes invisibles a pris des formes banalement effrayantes. De là sont nées les croyances populaires au surnaturel, les légendes des esprits rôdeurs, des fées, des gnomes, des revenants, je dirai même la légende de Dieu, car nos conceptions de l'ouvrier-créateur, de quelque religion qu'elles nous viennent, sont bien les inventions les plus médiocres, les plus stupides, les plus inacceptables sorties du cerveau apeuré des créatures. Rien de plus vrai que cette parole de Voltaire : « Dieu a fait l'homme à son image, mais l'homme le lui a bien rendu. »
    « Mais, depuis un peu plus d'un siècle, on semble pressentir quelque chose de nouveau. Mesmer et quelques autres nous ont mis sur une voie inattendue, et nous sommes arrivés vraiment, depuis quatre ou cinq ans surtout, à des résultats surprenants. »
     Ma cousine, très incrédule aussi, souriait. Le docteur Parent lui dit :
    « Voulez-vous que j'essaie de vous endormir, madame ? – Oui, je veux bien. » Elle s'assit dans un fauteuil et il commença à la regarder fixement en la fascinant. Moi, je me sentis soudain un peu troublé, le coeur battant, la gorge serrée. Je voyais les yeux de Mme Sablé s'alourdir, sa bouche se crisper, sa poitrine haleter.
    Au bout de dix minutes, elle dormait.
    « Mettez-vous derrière elle », dit le médecin. Et je m'assis derrière elle. Il lui plaça entre les mains une carte de visite en lui disant: « Ceci est un miroir ; que voyez-vous dedans ? »
     Elle répondit: « Je vois mon cousin. – Que fait-il ? – Il se tord la moustache. – Et maintenant ? – Il tire de sa poche une photographie.– Quelle est cette photographie ? – La sienne. » C'était vrai !  Et cette photographie venait de m'être livrée, le soir même, à l'hôtel.
    « Comment est-il sur ce portrait ? – Il se tient debout avec son chapeau à la main." Donc elle voyait dans cette carte, dans ce carton blanc, comme elle eût vu dans une glace.
     Les jeunes femmes, épouvantées, disaient : « Assez ! Assez ! Assez ! »
    Mais le docteur ordonna: « Vous vous lèverez demain à huit heures; puis vous irez trouver à son hôtel votre cousin, et vous le supplierez de vous prêter cinq mille francs que votre mari vous demande et qu'il vous réclamera à son prochain voyage. »
    Puis il la réveilla.
    En rentrant à l'hôtel, je songeai à cette curieuse séance et des doutes m'assaillirent, non point sur l'absolue, sur l'insoupçonnable bonne foi de ma cousine, que je connaissais comme une soeur, depuis l'enfance, mais sur une supercherie possible du docteur. Ne dissimulait-il pas dans sa main une glace qu'il montrait à la jeune femme endormie, en même temps que sa carte de visite ? Les prestidigitateurs de profession font des choses autrement singulières.
    Je rentrai donc et je me couchai.
    Or, ce matin, vers huit heures et demie, je fus réveillé par mon valet de chambre, qui me dit :
   « C'est Mme Sablé qui demande à parler à monsieur tout de suite. »
    Je m'habillai à la hâte et je la reçus.
    Elle s'assit fort troublée, les yeux baissés, et, sans lever son voile, elle me dit :
    « Mon cher cousin, j'ai un gros service à vous demander. – Lequel, ma cousine ? – Cela me gêne beaucoup de vous le dire, et pourtant, il le faut. J'ai besoin, absolument besoin, de cinq mille francs. – Allons donc, vous ? – Oui, moi, ou plutôt mon mari, qui me charge de les trouver. »
    J'étais tellement stupéfait, que je balbutiais mes réponses. Je me demandais si vraiment elle ne s'était pas moquée de moi avec le docteur Parent, si ce n'était pas là une simple farce préparée d'avance et fort bien jouée.
     Mais, en la regardant avec attention, tous mes doutes se dissipèrent. Elle tremblait d'angoisse, tant cette démarche lui était douloureuse, et je compris qu'elle avait la gorge pleine de sanglots.
    Je la savais fort riche et je repris :
    « Comment ! votre mari n'a pas cinq mille francs à sa disposition ! Voyons, réfléchissez. Etes-vous sûre qu'il vous a chargée de me les demander ? »
Elle hésita quelques secondes comme si elle eût fait un grand effort pour chercher dans son souvenir, puis elle répondit :
    « Oui..., oui... j'en suis sûre. – Il vous a écrit ? »
    Elle hésita encore, réfléchissant. Je devinai le travail torturant de sa pensée. Elle ne savait pas. Elle savait seulement qu'elle devait m'emprunter cinq mille francs pour son mari. Donc elle osa mentir.
    « Oui, il m'a écrit. – Quand donc ? Vous ne m'avez parlé de rien, hier. – J'ai reçu sa lettre ce matin. – Pouvez-vous me la montrer ? -Non... non... non... elle contenait des choses intimes... trop personnelles... je l'ai... je l'ai brûlée. – Alors, c'est que votre mari fait des dettes. »
    Elle hésita encore, puis murmura :
    « Je ne sais pas. »
    Je déclarai brusquement:
    « C'est que je ne puis disposer de cinq mille francs en ce moment, ma chère cousine. »
    Elle poussa une sorte de cri de souffrance.
    « Oh ! oh ! je vous en prie, je vous en prie, trouvez-les... »
    Elle s'exaltait, joignait les mains comme si elle m'eût prié ! J'entendais sa voix changer de ton ; elle pleurait et bégayait, harcelée, dominée par l'ordre irrésistible qu'elle avait reçu.
    « Oh ! oh ! je vous en supplie... si vous saviez comme je souffre... il me les faut aujourd'hui. »
    J'eus pitié d'elle.
    « Vous les aurez tantôt, je vous le jure. »
    Elle s'écria:
    « Oh ! merci ! merci ! que vous êtes bon. »
    Je repris: « Vous rappelez-vous ce qui s'est passé hier chez vous ? – Oui. – Vous rappelez-vous que le docteur Parent vous a endormie ? – Oui. – Eh bien, il vous a ordonné de venir m'emprunter ce matin cinq mille francs, et vous obéissez en ce moment à cette suggestion. »
    Elle réfléchit quelques secondes et répondit :
    « Puisque c'est mon mari qui les demande. »
    Pendant une heure, j'essayai de la convaincre, mais je n'y pus parvenir.
    Quand elle fut partie, je courus chez le docteur. Il allait sortir; et il m'écouta en souriant. Puis il dit :
    « Croyez-vous maintenant ? – Oui, il le faut bien. – Allons chez votre parente. »
    Elle sommeillait déjà sur une chaise longue, accablée de fatigue. Le médecin lui prit le pouls, la regarda quelque temps, une main levée vers ses yeux qu'elle ferma peu à peu sous l'effort insoutenable de cette puissance magnétique.
    Quand elle fut endormie :
« Votre mari n'a plus besoin de cinq mille francs. Vous allez donc oublier que vous avez prié votre cousin de vous les prêter, et, s'il vous parle de cela, vous ne comprendrez pas. »
    Puis il la réveilla. Je tirai de ma poche un portefeuille:
    « Voici, ma chère cousine, ce que vous m'avez demandé ce matin. »
    Elle fut tellement surprise que je n'osai pas insister. J'essayai cependant de ranimer sa mémoire, mais elle nia avec force, crut que je me moquais d'elle, et faillit, à la fin, se fâcher.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    Voilà ! je viens de rentrer ; et je n'ai pu déjeuner, tant cette expérience m'a bouleversé.

19 juillet.— Beaucoup de personnes à qui j'ai raconté cette aventure se sont moquées de moi. Je ne sais plus que penser. Le sage dit : Peut-être ?
2 de julio.— Regreso. Estoy curado. Y además he hecho una excursión encantadora. Visité el Mont Saint-Michel, que no conocía. ¡Qué visión cuando uno llega, como yo, a Avranches, al caer el día! La ciudad está sobre una colina; y me llevaron a los jardines públicos, en un extremo de la población. Lancé un grito de asombro. Ante mí se extendía una bahía desmesurada, hasta muy lejos, entre dos costas alejadas que se perdían de vista entre brumas; y en el centro de esa inmensa bahía amarilla, bajo un cielo de oro y de claridad, se alzaba oscuro y picudo un extraño monte, en medio de las arenas. El sol acababa de desaparecer, y sobre el horizonte aún llameante se dibujaba el perfil de esa fantástica roca que lleva en su cima un fantástico monumento.
     En cuanto amaneció, marché hacia allá. La marea estaba baja, como la víspera, y yo miraba alzarse ante mí, a medida que me acercaba a ella, la sorprendente abadía. Tras varias horas de marcha llegué al enorme bloque de piedras donde se halla el pueblecito dominado por la gran iglesia. Tras subir por la calle estrecha y empinada, entré en la más admirable morada gótica construida para Dios sobre la tierra, vasta como una ciudad, llena de salas bajas aplastadas bajo bóvedas y altas galerías que sostienen frágiles columnas. Entré en esa gigantesca joya de granito, tan leve como un encaje, cubierta de torres, de esbeltos pináculos, hacia donde ascienden retorcidas escaleras, y que lanzan al cielo azul de los días, al cielo negro de las noches, sus extravagantes cabezas erizadas de quimeras, de diablos, de animales fantásticos, de monstruosas flores, enlazados entre sí por finos arcos labrados.
    Cuando estuve en la cima, le dije al fraile que me acompañaba: «Padre, ¡qué a gusto estarán ustedes aquí».
    Respondió: «Hace mucho viento, caballero»; y nos pusimos a charlar mientras mirábamos cómo subía la marea, que corría por la arena y la cubría con una coraza de acero.
    Y el fraile me contó historias, todas las viejas historias del lugar, leyendas, siempre leyendas.
    Una de ellas me impresionó. La gente del pueblo, la del Monte, pretende que por la noche se oye hablar en las arenas, y también que se oyen balar dos cabras, una con voz fuerte, otra con voz débil. Los incrédulos afirman que son los gritos de las aves marinas, que unas veces parecen balidos, otras, quejas humanas; pero los pescadores rezagados juran haber encontrado, merodeando por las dunas, entre dos mareas, en torno al pueblecito tan apartado del mundo, a un viejo pastor, cuya cabeza tapada por la capa nunca se ve, y que conduce, marchando ante ellos, un macho cabrío con rostro de hombre y una cabra con rostro de mujer, ambos con largos cabellos blancos y que hablan sin cesar, peleándose en una lengua desconocida, y después dejan de pronto de chillar para balar con todas sus fuerzas.
    Le dije al fraile: «¿Y usted lo cree?». Murmuró: «No sé». Proseguí: «Si existieran en la tierra seres distintos de nosotros, ¿cómo no íbamos a conocerlos desde hace mucho tiempo? ¿Cómo no iba a haberlos visto usted? ¿Como no iba a haberlos visto yo?».
     Respondió: «¿Acaso vemos la cienmilésima parte de lo que existe? Mire, ahí tiene el viento, que es la mayor fuerza de la naturaleza, que tira al suelo al hombre, que derriba edificios, desarraiga árboles, levanta en la mar montañas de agua, destruye los acantilados, y arroja contra las rompientes a los grandes navíos, el viento que mata, que silba, que gime, que brama, ¿lo ha visto usted, y puede usted verlo? Y sin embargo, existe».
     Callé ante tan sencillo razonamiento. Aquel hombre era un sabio o quizás un tonto. No habría podido asegurarlo con exactitud; pero me callé. Lo que estaba diciendo, yo lo había pensado a menudo.

3 de julio.— He dormido mal; no cabe duda; aquí hay una influencia febril, pues mi cochero sufre del mismo mal que yo. Al regresar ayer, me fijé en su singular palidez. Le pregunté:
    —¿Qué le pasa, Jean?
    —Me pasa que no puedo descansar, señor, las noches se me comen los días. Desde que se marchó el señor, tengo como un mal de ojo.
    Los otros criados están bien, sin embargo, pero tengo mucho miedo de que me vuelva a dar a mí.

4 de julio.— No cabe duda, me ha vuelto a dar. Retornan las antiguas pesadillas. Esta noche, he notado a alguien agazapado sobre mí y que, con la boca pegada a la mía, se me bebía la vida entre mis labios. Sí, la sorbía de mi garganta, como hubiera hecho una sanguijuela. Después se levantó, ahíto, y yo me desperté, tan magullado, roto, aniquilado, que no podía moverme. Si esto continúa unos días más, seguramente volveré a marcharme.

5 de julio.— ¿Habré perdido la razón? ¡Lo que ha ocurrido, lo que he visto la noche pasada es tan extraño que mi cabeza se extravía cuando pienso en ello!
    Al igual que hago ahora cada noche, había cerrado la puerta con llave; después, como tenía sed, bebí medio vaso de agua, y por casualidad me fijé en que la botella estaba llena hasta el tapón de cristal.
    Me acosté en seguida y me sumí en uno de mis sueños espantosos, del que me sacó al cabo de unas dos horas una sacudida más horrorosa aún.
    Imagínense ustedes un hombre dormido, a quien asesinan, y que se despierta con un cuchillo en los pulmones, y que jadea cubierto de sangre, y que ya no puede respirar, y que va a morir, y que no entiende nada —pues eso era.
    Habiendo recobrado por fin el juicio, tuve sed de nuevo; encendí una vela y fui hacia la mesa donde estaba la botella. La levanté inclinándola sobre el vaso; no cayó nada. ¡Estaba vacía! ¡Estaba totalmente vacía! Al principio, no entendía nada; después, de repente, sentí una emoción tan terrible que tuve que sentarme, o mejor dicho, ¡caí sobre una silla! Después, ¡me levanté de un salto para mirar a mi alrededor! Después volví a sentarme, enloquecido de asombro y de miedo, ante el cristal transparente. Lo contemplaba clavando en él los ojos, tratando de adivinar. ¡Mis manos temblaban! Conque ¿habían bebido el agua? ¿Quién? ¿Yo? ¡Yo, sin duda! ¡Sólo podía ser yo! Entonces, yo era sonámbulo, vivía, sin saberlo, esa doble vida misteriosa que hace dudar si hay dos seres en nosotros, o si un ser extraño, incognoscible e invisible, anima, a veces, cuando nuestra alma está embotada, nuestro cuerpo cautivo que obedece a ese otro, como a nosotros mismos, más que a nosotros mismos.
    ¡Ay! ¿Quién comprenderá mi abominable angustia? ¿Quién comprenderá la emoción de un hombre, sano de mente, perfectamente despierto, lleno de juicio y que mira espantado, a través del vidrio de una botella, un poco de agua desaparecida mientras él duerme? Me quedé allí hasta el amanecer, sin atreverme a volver a la cama.

6 de julio.— Me vuelvo loco. Alguien ha bebido de nuevo toda mi botella esta noche —o, mejor dicho, ¡me la he bebido yo! Pero, ¿soy yo? ¿Soy yo? ¿Quién iba a ser? ¿Quién? ¡Oh! ¡Dios mío! ¿Me estoy volviendo loco? ¿Quién podrá salvarme?

10 de julio.— Acabo de hacer unas pruebas sorprendentes.
    No cabe duda, ¡estoy loco! Aunque...
    El 6 de julio, antes de acostarme, dejé sobre la mesa vino, leche, agua, pan y fresas.
    Se bebieron —me bebí— toda el agua, y un poco de leche. No tocaron el vino, ni el pan, ni las fresas.
    El 7 de julio, repetí la misma prueba, que dio el mismo resultado.
    El 8 de julio, suprimí el agua y la leche. No tocaron nada.
    El 9 de julio, por último, volví a dejar sobre la mesa el agua y la leche solamente, teniendo buen cuidado de envolver las botellas en muselina blanca y de atar los tapones con un bramante. Después me froté los labios, la barba y las manos con grafito, y me acosté.
    El sueño invencible me asaltó, seguido pronto por el atroz despertar. No me había movido; las propias sábanas no tenían manchas. Me lancé hacia la mesa. La muselina que cubría las botellas seguía inmaculada. Desaté los cordones, palpitante de temor. ¡Se habían bebido toda el agua! ¡Se habían bebido toda la leche! ¡Ay, Dios mío!...
    Me marcho ahora mismo a París.

12 de julio.— París. ¡Conque había perdido la cabeza los días pasados! Debí de ser juguete de mi imaginación debilitada, a menos que sea realmente sonámbulo, o que haya sufrido una de esas influencias, comprobadas aunque inexplicables hasta ahora, que se denominan sugestiones. En cualquier caso, mi extravío rayaba en la demencia, y veinticuatro horas de París han bastado para dejarme como nuevo.
    Ayer, después de unas compras y visitas, que han hecho pasar por mi alma un aire nuevo y vivificante, rematé la noche en el Teatro Francés. Representaban una pieza de Alejandro Dumas hijo; y ese ingenio alerta y poderoso terminó de curarme. No cabe duda, la soledad es peligrosa para una inteligencia que trabaja. Necesitamos a nuestro alrededor hombres que piensen y hablen. Cuando estamos solos demasiado tiempo poblamos de fantasmas el vacío.
    Regresé al hotel muy contento, por los bulevares. Al codearme con la muchedumbre pensaba, no sin ironía, en mis terrores, en mis suposiciones de la semana pasada, pues he creído, sí, he creído que un ser invisible habitaba bajo mi techo. ¡Qué débil es nuestra cabeza, y cómo se espanta, y se extravía en seguida, en cuanto una menudencia incomprensible nos impresiona!
     En lugar de llegar a esta sencilla conclusión «No lo entiendo porque la causa se me escapa», nos imaginamos al punto espantos, misterios y poderes sobrenaturales.

14 de julio.- Fiesta de la República. He paseado por las calles. Los petardos y las banderas me divertían como a un niño. Y sin embargo es muy idiota estar contento, en fecha fija, por decreto del gobierno. El pueblo es un rebaño imbécil, unas veces estúpidamente paciente y otras ferozmente rebelde. Le dicen: «Diviértete». Y se divierte. Le dicen: «Vete a luchar contra el vecino». Y va a luchar. Le dicen: «Vota por el Emperador». Y vota por el Emperador. Y luego le dicen. «Vota por la República». Y vota por la República.
    Los que lo dirigen son igual de tontos; pero en vez de obedecer a unos hombres, obedecen a unos principios, los cuales no pueden ser sino necios, estériles y falsos, por el mero hecho de ser principios, es decir ideas tenidas por ciertas e inmutables, en este mundo donde nadie está seguro de nada, puesto que la luz es una ilusión, puesto que el ruido es una ilusión.

16 de julio.- Ayer he visto cosas que me han perturbado mucho.
    Cenaba en casa de mi prima, la señora de Sablé, cuyo marido mandó el 76º de cazadores en Limoges. Me encontré allí con dos señoras jóvenes, una de ellas casada con un médico, el doctor Parent, que se ocupa mucho de enfermedades nerviosas y de las manifestaciones extraordinarias que producen en estos momentos las experiencias sobre el hipnotismo y la sugestión.
    Él nos habló un buen rato de los prodigiosos resultados obtenidos por los sabios ingleses y por los médicos de la escuela de Nancy.
    Los hechos que expuso me parecieron tan extravagantes, que me declaré totalmente incrédulo.
    «Estamos», afirmaba él, «a punto de descubrir uno de los más importantes secretos de la naturaleza, quiero decir uno de sus más importantes secretos en este mundo; porque tiene con seguridad otros también importantes, allá lejos, en las estrellas. Desde que el hombre piensa, desde que sabe expresar de palabra y por escrito su pensamiento, se ha sentido rozado por un misterio impenetrable para sus sentidos groseros e imperfectos, y ha tratado de suplir, con el esfuerzo de su inteligencia, la impotencia de sus órganos. Cuando esa inteligencia seguía aún en estado rudimentario, esta obsesión de los fenómenos invisibles adoptó formas trivialmente espantosas. De ahí nacieron las creencias populares en lo sobrenatural, las leyendas sobre espíritus errantes, sobre hadas, gnomos, aparecidos, e incluso diría yo que la leyenda de Dios, pues nuestras concepciones del obrero-creador, vengan de la religión que vengan, son de las invenciones más mediocres, más estúpidas, más inaceptables salidas del cerebro acobardado de las criaturas. Nada más cierto que esta frase de Voltaire: 'Dios ha hecho el hombre a su imagen, pero el hombre se lo ha devuelto con creces.'
    «Pero, desde hace algo más de un siglo, parece presentirse alguna cosa nueva. Mesmer y algunos otros nos han abierto un camino inesperado, y verdaderamente hemos llegado, sobre todo de cuatro o cinco años a esta parte, a resultados sorprendentes.»
    Mi prima, muy incrédula también, sonreía. El doctor Parent le dijo: «¿Quiere usted que intente dormirla, señora?
    -Sí, no tengo inconveniente.»
    Se sentó en un sillón y él empezó a mirarla fijamente, fascinándola. Yo me sentí de pronto un poco turbado, el corazón palpitante, la garganta seca. Veía cargarse los ojos de la señora de Sablé, crisparse su boca, jadear su pecho.
    Al cabo de diez minutos, dormía.
    «Póngase detrás de ella», dijo el médico.
    Y me senté detrás. Él le colocó entre las manos una tarjeta de visita diciéndole: «Esto es un espejo; ¿qué ve usted en él?»
    Ella respondió:
    «Veo a mi primo.
    -¿Qué hace?
    -Se retuerce el bigote.
    -¿Y ahora?
    -Saca del bolsillo una fotografía.
    -¿De quién es esa fotografía?
    -Suya.»
    ¡Era cierto! Y la fotografía me la acababan de entregar, esa misma tarde, en el hotel.
    «¿Cómo está en ese retrato?
    -De pie, con el sombrero en la mano.»
Conque ella veía en la tarjeta, en aquel cartón blanco, como hubiera visto en un espejo.
    Las señoras, espantadas, decían: «¡Basta! ¡Basta! ¡Basta»
    Pero el doctor ordenó: «Mañana se levantará usted a las ocho; después irá al hotel a ver a su primo, y le suplicará que le preste cinco mil francos que su marido le pide y que le reclamará en su próximo viaje».
    Después la despertó.
    Al regresar al hotel, pensaba en aquella curiosa sesión y me asaltaron dudas, no sobre la absoluta, la indudable buena fe de mi prima, a quien conocía como a una hermana, desde la infancia, sino sobre una posible superchería del doctor. ¿No disimularía en su mano un espejo que mostraba a la joven dormida, al mismo tiempo que su tarjeta de visita? Los prestidigitadores profesionales hacen cosas mucho más singulares.
Regresé, pues, y me acosté.
    Ahora bien, esta mañana, hacia las ocho y media, me despertó mi ayuda de cámara, que me dijo:
    «Está aquí la señora de Sablé, que quiere hablar con el señor en seguida.»
    Me vestí a toda prisa y la recibí.
    Se sentó, muy turbada, con los ojos bajos, y, sin alzar su velo, me dijo:
    «Querido primo, tengo que pedirle un gran favor.
    -¿Cuál, prima?
    -Me molesta mucho decírselo, aunque es preciso. Necesito, necesito indispensablemente, cinco mil francos.
    -¿Cómo? ¿Usted?
    -Sí, yo, o mejor dicho mi marido, que me ha encargado que los consiga.»
    Me quedé tan estupefacto, que balbucía mis respuestas. Me preguntaba si realmente se habría burlado de mí con el doctor Parent, si no se trataría de una simple farsa preparada de antemano y muy bien representada.
    Pero, al mirarla con atención, todas mis dudas se disiparon. Temblaba de angustia, pues aquel paso le resultaba muy doloroso, y comprendí que los sollozos se agolpaban en su garganta.
     Sabía que era muy rica y proseguí.
     «¿Cómo así? ¿Su marido no dispone de cinco mil francos? ¡Vamos, reflexione! ¿Está usted segura de que le ha encargado que me los pida?»
    Vaciló unos segundos, como haciendo un gran esfuerzo para buscar en su memoria, después respondió:
    «Sí..., sí..., estoy segura.
    -¿Le ha escrito?»
    Ella vacilaba aún, reflexionando. Adiviné el trabajo torturador de su mente. No sabía. Sabía sólo que tenía que pedirme prestados cinco mil francos para su marido. Conque se atrevió a mentir.
    «Sí, me ha escrito.
    -¿Y cuándo? No me dijo usted nada, ayer.
    -Recibí su carta esta mañana.
    -¿Puede enseñármela? `
    -No... no... no... hablaba de cosas íntimas... demasiado personales... y la he... la he quemado.
    -Entonces, es que su marido contrae deudas.»
    Ella vaciló de nuevo, y después murmuró:
    «No lo sé.»
    Declaré bruscamente:
    «Es que no puedo disponer de cinco mil francos en este momento, mi querida prima.»
    Lanzó una especie de grito de dolor.
    «¡Oh! ¡Oh! Por favor, por favor, búsquelos...»
    Se exaltaba, ¡juntaba las manos como si estuviera suplicando! Yo oía cómo su voz cambiaba de tono; lloraba y tartamudeaba, acosada, dominada por la orden irresistible que había recibido.
    «¡Oh! ¡Oh! Se lo ruego... si supiera usted cuánto sufro... los necesito hoy.»
    Me apiadé de ella.
    «Los tendrá en seguida, se lo juro.»
    Exclamó:
    «¡Oh! ¡Gracias! ¡Gracias! ¡Qué bueno es usted!»
    Proseguí: «¿Recuerda lo que ocurrió ayer en su casa?
    -Sí.
    -¿Recuerda que el doctor Parent la durmió?
    -Sí.
    -Pues bien, le ordenó que viniera hoy por la mañana a pedirme prestados cinco mil francos, y usted obedece en este momento a esa sugestión.»
    Reflexionó unos segundos y respondió
    «Pues es mi marido quien me los pide.
    Durante una hora, intenté convencerla, pero no pude lograrlo.
    Cuando se marchó, corrí a casa del doctor. Iba a salir; y me escuchó sonriendo. Después dijo:
     «Y ahora, ¿cree usted?
    -Sí, no tengo otro remedio.
    -Vayamos a ver a su parienta.»
    Ella dormitaba ya en una tumbona, abrumada de cansancio. El médico le tomó el pulso, la miró algún tiempo, con una mano levantada hacia sus ojos que ella cerró poco a poco bajo la fuerza insostenible de aquel poder magnético.
    Cuando estuvo dormida:
    «Su marido ya no necesita cinco mil francos. Conque usted olvidará que le ha rogado a su primo que se los preste y, si él le habla de eso, no entenderá nada.»
    Después la despertó. Yo saqué del bolsillo una cartera:
    «Aquí tiene, mi querida prima, lo que me pidió esta mañana.»
    Se quedó tan sorprendida que no me atreví a insistir. Sin embargo traté de reanimar su memoria, pero ella lo negó con fuerza, creyó que me burlaba de ella, y al final, a punto estuvo de enfadarse.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    ¡Eso es todo! Acabo de regresar; y no he podido almorzar, tanto me ha trastornado la experiencia.

19 de julio.- Muchas personas a quienes he contado esta aventura se han burlado de mí. Ya no sé qué pensar. El sabio dice: ¿puede ser?
Derechos de autor Introducción El Horlá, p.1 El Horlá, p. 3