Revista de literatura i traducció A Journal of Literature & Translation Revista de literatura y traducción Saltana Introducción
DEL ESPÍRITU DE LAS TRADUCCIONES
Traducción de Juan Gabriel López Guix
Il n’y a pas de plus éminent service à rendre à la littérature, que de transporter d’une langue à l’autre les chefs-d’œuvre de l’esprit humain. Il existe si peu de productions du premier rang ; le génie, dans quelque genre que ce soit, est un phénomène tellement rare, que si chaque nation moderne en était réduite à ses propres trésors, elle serait toujours pauvre. D’ailleurs, la circulation des idées est, de tous les genres de commerce, celui dont les avantages sont les plus certains.

Les savans et même les poëtes avaient imaginé, lors de la renaissance des lettres, d’écrire tous dans une même langue, le latin, afin de n’avoir pas besoin d’être traduits pour être entendus. Cela pouvait être avantageux aux sciences, dont le développement n’a pas besoin des charmes du style. Mais il en était résulté cependant que plusieurs des richesses des Italiens, en ce genre, leur étaient inconnues à eux-mêmes, parce que la généralité des lecteurs ne comprenait que l’idiome du pays. Il faut d’ailleurs, pour écrire en latin sur les sciences et sur la philosophie, créer des mots qui n’existent pas dans les auteurs anciens. Ainsi, les savans se sont servis d’une langue tout à la fois morte et factice, tandis que les poëtes s’astreignaient aux expressions purement classiques ; et l’Italie, où le latin retentissait encore sur les bords du Tibre, a possédé des écrivains tels que Fra-Castor, Politien, Sannazar, qui s’approchaient, dit-on, du style de Virgile et d’Horace ; mais si leur réputation dure, leurs ouvrages ne se lisent plus hors du cercle des érudits ; et c’est une triste gloire littéraire que celle dont l’imitation doit être la base. Ces poètes latins du moyen âge ont été traduits en italien dans leur propre patrie : tant il est naturel de préférer la langue qui vous rappelle les émotions de votre propre vie, à celle qu’on ne peut se retracer que par l’étude !

La meilleure manière, j’en conviens, pour se passer des traductions, serait de savoir toutes les langues dans lesquelles les ouvrages des grands poëtes ont été composés ; le grec, le latin, l’italien, le français, l’anglais, l’espagnol, le portugais, l’allemand : mais un tel travail exige beaucoup de temps, beaucoup de secours, et jamais on ne peut se flatter que des connaissances si difficiles à acquérir soient universelles. Or, c’est à l’universel qu’il faut tendre, lorsqu’on veut faire du bien aux hommes. Je dirai plus : lors même qu’on entendrait bien les langues étrangères, on pourrait goûter encore, par une traduction bien faite dans sa propre langue, un plaisir plus familier et plus intime. Ces beautés naturalisées donnent au style national des tournures nouvelles, et des expressions plus originales. Les traductions des poètes étrangers peuvent, plus efficacement que tout autre moyen, préserver la littérature d’un pays de ces tournures bannales qui sont les signes les plus certains de sa décadence.

Mais, pour tirer de ce travail un véritable avantage, il ne faut pas, comme les Français, donner sa propre couleur à tout ce qu’on traduit ; quand même on devrait par là changer en or tout ce que l’on touche, il n’en résulterait pas moins que l’on ne pourrait pas s’en nourrir ; on n’y trouverait pas des alimens nouveaux pour sa pensée, et l’on reverrait toujours le même visage avec des parures à peine différentes. Ce reproche, justement mérité par les Français, tient aux entraves de toute espèce imposées, dans leur langue, à l’art d’écrire en vers. La rareté de la rime, l’uniformité de vers, la difficulté des inversions, renferment le poëte dans un certain cercle qui ramène nécessairement, si ce n’est les mêmes pensées, au moins des hémistiches semblables, et je ne sais quelle monotonie dans le langage poétique, à laquelle le génie échappe, quand il s’élève très-haut, mais dont il ne peut s’affranchir dans les transitions, dans les développemens, enfin, dans tout ce qui prépare et réunit les grands effets.

On trouverait donc difficilement, dans la littérature française, une bonne traduction en vers, excepté celle des Géorgiques par l’abbé Delille. Il y a de belles imitations, des conquêtes à jamais confondues avec les richesses nationales ; mais on ne saurait citer un ouvrage en vers qui portât d’aucune manière le caractère étranger, et même je ne crois pas qu’un tel essai pût jamais réussir. Si les Géorgiques de l’abbé Delille on été justement admirées, c’est parce que la langue française peut s’assimiler plus facilement à la langue latine qu’à toute autre ; elle en dérive, et elle en conserve la pompe et la majesté ; mais les langues modernes ont tant de diversités, que la poésie française ne saurait s’y plier avec grâce.

Les Anglais, dont la langue admet les inversions, et dont la versification est soumise à des règles beaucoup moins sévères que celle des Français, auraient pu enrichir leur littérature de traductions exactes et naturelles tout ensemble ; mais leurs grands auteurs n’ont point entrepris ce travail ; et Pope, le seul qui s’y soit consacré, a fait deux beaux poëmes de l’Iliade et de l’Odyssée ; mais il n’y a point conservé cette antique simplicité qui nous fait sentir le secret de la supériorité d’Homère.

En effect, il n’est pas vraisemblable que le génie d’un homme ait surpassé depuis trois mille ans celui de tous les autres poëtes ; mais il y avait quelque chose de primitif dans les traditions, dans les mœurs, dans les opinions, dans l’air de cette époque, dont le charme est inépuisable ; et c’est ce début du genre humain, cette jeunesse du temps, qui renouvelle dans notre âme, en lisant Homère, une sorte d’émotion pareille à celle que nous éprouvons par les souvenirs de notre propre enfance : cette émotion se confondant avec ses rêves de l’âge d’or, nous fait donner au plus ancien des poètes la préférence sur tous ses successeurs. Si vous ôtez à sa composition la simplicité des premiers jours du monde, ce qu’elle a d’unique disparaît.

En Allemagne, plusieurs savans ont prétendu que les œuvres d’Homère n’avaient pas été composées par un seul homme, et qu’on devait considérer l’Iliade, et même l’Odyssée comme une réunion de chants héroïques, pour célébrer en Grèce la conquête de Troie et le retour des vainqueurs. Il me semble qu’il est facile de combattre cette opinion, et que l’unité de l’Iliade surtout ne permet pas de l’adopter. Pourquoi s’en serait-on tenu au récit de la colère d’Achille ? Les événemens subséquens, la prise de Troie qui les termine, auraient dû naturellement faire partie de la collection des rapsodies qu’on suppose appartenir à divers auteurs. La conception de l’unité d’un événement, la colère d’Achille, ne peut être que le plan formé par un seul homme. Sans vouloir toutefois discuter ici un système, pour et contre lequel on doit être armé d’une érudition effrayante, au moins faut-il avouer que la principale grandeur d’Homère tient à son siècle, puisqu’on a cru que les poètes d’alors, ou du moins un très-grand nombre d’entre eux avaient travaillé à l’Iliade. C’est une preuve de plus que ce poëme est l’image de la société humaine, à tel degré de la civilisation, et qu’il porte encore plus l’empreinte du temps que celle d’un homme.

Les Allemands ne se sont point bornés à ces recherches savantes sur l’existence d’Homère ; ils ont tâché de le faire revivre chez eux, et la traduction de Voss est reconnue pour la plus exacte qui existe dans aucune langue. Il s’est servi du rhythme des anciens, et l’on assure que son hexamètre allemand suit preque mot à mot l’hexamètre grec. Une telle traduction sert efficacement à la connaissance précise du poëme ancien ; mais est-il certain que le charme, pour lequel il ne suffit ni des règles ni des études, soit entièrement transporté dans la langue allemande ? Les quantités syllabiques sont conservées ; mais l’harmonie des sons ne saurait être la même. La poésie allemande perd de son naturel, en suivant pas à pas les traces du grec, sans pouvoir acquérir la beauté du langage musical qui se chantait sur la lyre.

10  L’italien est de toutes les langues modernes celle qui se prête le plus à nous rendre toutes les sensations produites par l’Homère grec. Il n’a pas, il est vrai, le même rhythme que l’original ; l’hexamètre ne peut guère s’introduire dans nos idiomes modernes ; les longues et les brèves n’y sont pas assez marquées pour que l’on puisse égaler les anciens à cet égard. Mais les paroles italiennes ont une harmonie qui peut se passer de la symétrie des dactyles et des spondées, et la construction grammaticale en italien se prête à l’imitation parfaite des inversions du grec : les versi sciolti, étant dégagés de la rime, ne gênent pas plus la pensée que la prose, tout en conservant la grâce et la mesure du vers.

11  La traduction d’Homère par Monti est sûrement de toutes celles qui existent en Europe celle qui approche le plus du plaisir que l’original même pourrait causer. Elle a de la pompe et de la simplicité tout ensemble ; les usages les plus ordinaires de la vie, les vêtemens, les festins sont relevés par la dignité naturelle des expressions ; et les plus grandes circonstances sont mises à notre portée par la vérité des tableaux et la facilité du style. Personne, en Italie, ne traduira plus désormais l’Iliade ; Homère y a pris pour jamais le costume de Monti, et il me semble que, même dans les autres pays de l’Europe, quiconque ne peut s’élever jusqu’à lire Homère dans l’original, aura l’idée du plaisir qu’il peut causer, par la traduction italienne. Traduire un poëte, ce n’est pas prendre un compas, et copier les dimensions de l’édifice ; c’est animer du même souffle de vie un instrument différent. On demande encore plus une jouissance du même genre que des traits parfaitement semblables.

12  Il serait fort à désirer, ce me semble, que les Italiens s’occupassent de traduire avec soin diverses poésies nouvelles des Anglais et des Allemands ; ils feraient ainsi connaître un genre nouveau à leurs compatriotes, qui s’en tiennent, pour la plupart, aux images tirées de la mythologie ancienne : or, elles commencent à s’épuiser, et la paganisme de la poésie ne subsiste presque plus dans le reste de l’Europe. Il importe aux progrès de la pensée, dans la belle Italie, de regarder souvent au-delà des Alpes, non pour emprunter, mais pour connaître ; non pour imiter, mais pour s’affranchir de certaines formes convenues qui se maintiennent en littérature comme les phrases officielles dans la société, et qui en bannissent de même toute vérité naturelle.

13  Si les traductions des poëmes enrichissent les belles-lettres, celles des pièces de théâtre pourraient exercer encore une plus grande influence ; car le théâtre est vraiment le pouvoir exécutif de la littérature. A. W. Schlegel a fait une traduction de Shakespeare, qui, réunissant l’exactitude à l’inspiration, est tout-à-fait nationale en Allemagne. Les pièces anglaises ainsi transmises, sont jouées sur le théâtre allemand, et Shakespeare et Schiller y sont devenus compatriotes. Il serait possible en Italie d’obtenir un résultat du même genre ; les auteurs dramatiques françois se rapprochent autant du goût des Italiens que Shakespeare de celui des Allemands, et peut-être pourrait-on représenter Athalie avec succès sur le beau théâtre de Milan, en donnant aux chœurs l’accompagnement de l’admirable musique italienne. On a beau dire que l’on ne va pas au spectacle en Italie pour écouter, mais pour causer, et se réunir dans les loges avec sa société intime ; il n’en est pas moins certain que d’entendre tous les jours, pendant cinq heures, plus ou moins, ce qu’on est convenu d’appeler des paroles dans la plupart des opéra italiens, c’est, à la longue, une manière sûre de diminuer les facultés intellectuelles d’une nation. Lorsque Casti faisait des opéra comiques, lorsque Métastase adaptait si bien à la musique des pensées pleines de charme et d’élévation, l’amusement n’y perdait rien, et la raison y gagnait beaucoup. Au milieu de la frivolité habituelle de la société, losque chacun cherche à se débarrasser de soi par le secours des autres, si vous pouvez faire arriver quelques idées et quelques sentimens à travers les plaisirs, vous formez l’esprit à quelque chose de sérieux qui peut lui donner enfin une véritable valeur.

14  La littérature italienne est partagée maintenant entre les érudits qui sassent et ressassent les cendres du passé, pour tâcher d’y retrouver encore quelques paillettes d’or, et les écrivains qui se fient à l’harmonie de leur langue pour faire des accords sans idées, pour mettre ensemble des exclamations, des invocations où il n’y a pas un mot qui parte du cœur et qui y arrive. Ne serait-il donc pas possible qu’une émulation active, celle des succès au théâtre, ramenât par degrés l’originalité d’esprit et la vérité de style, sans lesquelles il n’y a point de littérature, ni peut-être même aucune des qualités qu’il faudrait pour en avoir une.

15  Le goût du drame sentimental s’est emparé de la scène italienne, et au lieu de cette gaîté piquante qu’on y voyait régner autrefais, au lieu de ces personnages de comédie qui sont classiques dans toute l’Europe, on voit représenter, dès les premières scènes de ces drames, les assassinats les plus insipides, si l’on peut s’exprimer ainsi, dont on puisse donner le misérable spectacle. N’est-ce-pas une pauvre éducation pour un nombre très-considérable de personnes, que de tels plaisirs si souvent répétés ? Le goût des Italiens, dans les beaux-arts, est aussi simple que noble ; mais la parole est aussi un des beaux-arts, et il faudrait lui donner le même caractère ; elle tient de plus près à tout ce qui constitue l’homme, et l’on se passe plutôt de tableaux et de monuments que des sentimens auxquels ils doivent être consacrés.

16  Les Italiens sont très-enthousiastes de leur langue ; de grands hommes l’ont fait valoir, et les distinctions de l’esprit ont été les seules jouissances, et souvent aussi les seules consolations de la nation italienne. Afin que chaque homme capable de penser se sente un motif pour se développer lui-même, il faut que toutes les nations aient un principe actif d’intérêt : les unes sont militaires, les autres politiques. Les Italiens doivent se faire remarquer par la littérature et les beaux-arts ; sinon leur pays tomberait dans une sorte d’apathie dont le soleil même pourrait à peine le réveiller.
No hay servicio más eminente que prestar a la literatura que trasladar de una lengua a otra las obras maestras del espíritu humano. Existen tan pocas producciones de primera orden, el genio —en el ámbito que sea— es un fenómeno tan raro, que si cada nación moderna se viera reducida a sus propios tesoros, siempre sería pobre. Además, la circulación de las ideas es, de todos los tipos de intercambio, aquel cuyas ventajas son más ciertas.

Los eruditos, e incluso los poetas, resolvieron con ocasión del renacimiento de las letras escribir todos en una misma lengua, el latín, con el fin de no tener que ser traducidos para ser comprendidos. La decisión podía resultar ventajosa para las ciencias, cuyo desarrollo no necesita de las elegancias del estilo. Sin embargo, de ello se siguió que diversas riquezas de los italianos en ese ámbito permanecieron desconocidas para ellos mismos, pues el común de los lectores sólo comprendía la lengua de su tierra. Por otra parte, para escribir en latín sobre las ciencias y la filosofía, hay que crear palabras que no existen en los autores antiguos. De modo que los eruditos utilizaron una lengua muerta y artificial a un tiempo, mientras que los poetas se ciñeron a las expresiones puramente clásicas; e Italia, donde aún resonaba el latín en las riberas del Tíber, tuvo escritores como Fracastoro, Poliziano, Sannazaro, que se acercaron, según dicen, al estilo de Virgilio y Horacio; pero, si bien su reputación perdura, sus obras no se leen fuera del círculo de los entendidos; y triste es la gloria literaria cuya base se limita a la imitación. Esos poetas latinos medievales han sido traducidos al italiano en su propia patria, pues nada tan natural como preferir la lengua que le recuerda a uno las emociones de su vida a aquella que sólo es posible recordar mediante el estudio.

La mejor forma, lo reconozco, de arreglárselas sin traducciones sería saber todas las lenguas en las están compuestas las obras de los grandes poetas: el griego, el latín, el italiano, el francés, el español, el portugués, el alemán; pero semejante trabajo exige mucho tiempo, mucha ayuda y no cabe esperar que sean universales unos conocimientos tan difíciles de adquirir. Ahora bien, lo universal es justamente a lo que hay que tender cuando se quiere hacer un bien a los hombres. Y diré más: aun comprendiendo bien las lenguas extranjeras, podría apreciarse a pesar de todo, con una traducción bien hecha en la lengua propia, un placer más familiar y más íntimo. Esas bellezas naturalizadas dan al estilo nacional giros nuevos, y expresiones más originales. Las traducciones de los poetas extranjeros pueden, con mayor eficacia que cualquier otro medio, proteger la literatura de un país de esos giros banales que son las señales más indudables de su decadencia.

Sin embargo, para extraer un verdadero provecho de ese trabajo, no hay que teñir, como hacen los franceses, de color propio cuanto se traduce; aunque de ese modo trocáramos en oro cuanto se tocara, no es menos cierto que no podríamos alimentarnos con él; no encontraríamos alimentos nuevos para el pensamiento, y veríamos siempre el mismo rostro con adornos apenas diferentes. Este reproche, justamente merecido por los franceses, está relacionado con las trabas de todo tipo impuestas, en su lengua, al arte de la versificación. La rareza de la rima, la uniformidad del verso, la dificultad de las inversiones, encierran al poeta en determinado círculo que produce de modo necesario, si no los mismos pensamientos, al menos hemistiquios parecidos, y cierta monotonía en el lenguaje poético de la cual el genio escapa, cuando se eleva bien alto, pero de la que no puede librarse en las transiciones, en los desarrollos y en todo cuanto prepara y reúne los grandes efectos.

Por lo tanto, difícilmente encontraremos en la literatura francesa una buena traducción en verso, salvo la de las Geórgicas del abate Delille. Existen hermosas imitaciones, conquistas fundidas ya para siempre con las riquezas nacionales; pero sería imposible citar una obra en verso portadora en modo alguno del carácter extranjero, y dudo incluso que semejante intento tenga alguna vez éxito. Si las Geórgicas del abate Delille han sido admiradas con justicia, es porque la lengua francesa puede asimilarse a la lengua latina con más facilidad que a cualquier otra; procede de ella y conserva su pompa y majestad; pero las lenguas modernas poseen tantas diversidades, que a la poesía francesa le cuesta plegarse con gracia a ellas.

Los ingleses, cuya lengua admite las inversiones, y cuya versificación está sometida a unas reglas mucho menos severas que la de los franceses, habrían podido enriquecer su literatura con traducciones exactas y a la vez naturales; pero sus grandes autores no han emprendido semejante tarea; y Pope, el único que se ha dedicado a ella, realizó dos hermosos poemas con la Ilíada y la Odisea; pero no conservó esa sencillez antigua que nos hace sentir el secreto de la superioridad de Homero.

En efecto, no es verosímil que el genio de un hombre haya superado desde hace tres mil años el de todos los demás poetas, pero hay algo de primitivo en las tradiciones, las costumbres, las opiniones, el aire de aquella época, cuyo encanto es inagotable; y ese principio del género humano, esa juventud del tiempo, renueva en nuestra alma, leyendo a Homero, una especie de emoción semejante a la experimentada con los recuerdos de nuestra propia infancia: esta emoción, fundiéndose con sus sueños de la edad de oro, hace que otorguemos preferencia sobre todos sus sucesores al más antiguo de los poetas. Si quitamos a su composición la sencillez de los primeros días del mundo, desaparece lo que tiene de única.

En Alemania, varios eruditos han pretendido que las obras de Homero no fueron compuestas por un solo hombre, y que debemos considerar la Ilíada, e incluso la Odisea, como una recopilación de cantos heroicos para celebrar en Grecia la conquista de Troya y el regreso de los vencedores. Creo que resulta fácil combatir dicha opinión, y que la unidad de la Ilíada no permite abrazarla. ¿Por qué limitarse al relato de la cólera de Aquiles? Los acontecimientos posteriores, la toma de Troya que los concluye, deberían de haber formado parte de modo natural de la colección de esas rapsodias que se juzgan creadas por diversos autores. La concepción de la unidad de un acontecimiento, la cólera de Aquiles, no puede sino ser el plan concebido por un solo hombre. De todos modos, sin querer discutir aquí una teoría, a favor y en contra de la cual hay que estar armado de una erudición escalofriante, debemos admitir al menos que la principal grandeza de Homero es propia de su siglo, pues se ha creído que los poetas de entonces, o al menos un gran número de ellos, trabajaron en la Ilíada. Se trata de una prueba más de que ese poema constituye la imagen de la sociedad humana, en grado determinado de civilización, y que lleva mucho más la huella del tiempo que la del hombre.

Los alemanes no se han limitado a esas investigaciones eruditas sobre la existencia de Homero; han intentado hacerlo revivir entre ellos, y la traducción de Voss es considerada como la más exacta que existe en cualquier lengua. Recurrió al ritmo de los antiguos, y se asegura que su hexámetro alemán sigue casi palabra por palabra el hexámetro griego. Una traducción así contribuye con eficacia al conocimiento del poema antiguo, pero ¿es seguro que el encanto, para el cual no bastan reglas ni estudios, se transporta por completo a la lengua alemana? Las cantidades silábicas se conservan, pero la armonía de los sonidos no puede ser la misma. La poesía alemana pierde parte de su naturalidad, siguiendo paso a paso las huellas del griego, sin lograr obtener la belleza del lenguaje musical que se cantaba con la lira.

10  El italiano es, de entre las lenguas modernas, la que más se presta a transmitir todas las sensaciones producidas por el Homero griego. No tiene, es cierto, el mismo ritmo que el original; el hexámetro no puede introducirse en nuestros idiomas modernos; las largas y las breves no están lo bastante marcadas para que podemos igualar a los antiguos en este aspecto. Sin embargo, las palabras italianas poseen una armonía que puede prescindir de la simetría de los dáctilos y los espondeos, y la construcción gramatical en italiano se presta a la imitación perfecta de las inversiones del griego: los versi sciolti, al estar despojados de la rima, no estorban al pensamiento ni a la prosa, al tiempo que conservan la gracia y la medida del verso.

11  La traducción de Homero realizada por Monti es sin duda de cuantas existen en Europa la que más se acerca al placer que podría causar el original mismo. Posee pompa y sencillez al mismo tiempo; las costumbres más corrientes de la vida, los vestidos, los banquetes quedan realzados por la dignidad natural de las expresiones; y las más altas circunstancias se colocan a nuestro alcance mediante la veracidad de las descripciones y la facilidad del estilo. Nadie, en Italia, volverá a traducir la Ilíada; Homero ha adoptado para siempre los atuendos de Monti, y me parece que, incluso en los demás países de Europa, cuanto sean incapaces de elevarse hasta la lectura de Homero en el original obtendrán una idea del placer que puede causar por medio de la traducción italiana. Traducir un poeta no es agarrar un compás y copiar las dimensiones de un edificio; es animar con el mismo aliento de vida un instrumento diferente. Se pide mucho más un goce del mismo estilo que unos rasgos perfectamente semejantes.

12  Sería harto deseable, a mi entender, que los italianos se ocuparan de traducir con esmero diversas poesías nuevas de los ingleses y los alemanes; darían a conocer de tal modo un estilo nuevo a sus compatriotas, que se limitan, en su mayoría, a las imágenes extraídas de la mitología antigua; y el caso es que empiezan a agotarse, y el paganismo poético ya casi no subsiste en el resto de Europa. Resulta importante para los progresos del pensamiento en la hermosa Italia mirar a menudo allende los Alpes, no para tomar prestado, sino para conocer; no para imitar, sino para librarse de ciertas formas consabidas que se mantienen en literatura como las frases formales en la sociedad, y que de igual modo destierran de ella toda verdad natural.

13  Y si las traducciones de los poemas enriquecerían las bellas letras, las de las obras de teatro podrían ejercer una influencia aun mayor; porque el teatro es en verdad el poder ejecutivo de la literatura. A. W. Schlegel ha realizado una traducción de Shakespeare que, uniendo la exactitud con la inspiración, es del todo nacional en Alemania. Las obras inglesas así transmitidas se representan en el teatro alemán, y Shakespeare y Schiller se han convertido allí en compatriotas. Sería posible en Italia obtener un resultado del mismo tipo; los autores dramáticos franceses se aproximan tanto al gusto de los italianos como Sakespeare al de los alemanes, y quizá sería posible representar Atalía con éxito en el hermoso teatro de Milán, dando a los coros el acompañamiento de la admirable música italiana. Por mucho que digan que en Italia no se acude al teatro para escuchar sino para hablar, así como reunirse en los palcos con el círculo de amistades, no resulta menos cierto que escuchar todos los días, durante cinco horas más o menos, lo que se da en llamar palabras en la mayoría de las óperas italianas constituye a la larga un modo seguro de reducir las facultades intelectuales de una nación. Cuando Casti hacía óperas cómicas, cuando Metastasio adaptaba tan bien a la música unos pensamientos llenos de gracia y grandeza, la diversión no perdía nada, y la razón ganaba mucho. En medio de la frivolidad habitual de la sociedad, cuando todos buscan desembarazarse de sí mismos con ayuda de los otros, si resulta posible transmitir algunas ideas y algunos sentimientos por medio de los placeres, se forma con ello el espíritu en algo serio que puede conferirle al fin un auténtico valor.

14  La literatura italiana se encuentra hoy dividida entre los eruditos que tamizan y vuelven a tamizar las cenizas del pasado con objeto de encontrar aún en ellas algunas pepitas de oro y los escritores que confían en la armonía de su lengua para hacer concordancias sin ideas, para reunir exclamaciones, invocaciones donde no hay una sola palabra que salga del corazón y que llegue a él. ¿No sería pues posible que una emulación activa, la de los éxitos en el teatro, devolviera poco a poco la originalidad de espíritu y la verdad de estilo, sin las cuales no hay literatura, ni quizá ninguna de las cualidades necesarias para que exista una?

15  El gusto por el drama sentimental se ha apoderado de la escena italiana, y en vez de la alegría mordaz que antaño veíamos reinar en ella, en vez de esos personajes de comedia que son clásicos en toda Europa, vemos representar desde las primeras escenas de tales dramas los más insípidos asesinatos, si cabe expresarse así, cuyo miserable espectáculo es posible ofrecer. ¿No constituye una pobre educación para un número muy considerable de personas la repetición tan frecuente de semejantes placeres? El gusto de los italianos en las bellas artes es tan sencillo como noble; pero la palabra es también una de las bellas artes, y habría que darle el mismo carácter; guarda mayor relación con cuanto es constitutivo del hombre, y es más fácil pasarse de cuadros y monumentos que de los sentimientos a los que estarán consagrados.

16  Los italianos muestran un gran entusiasmo por su lengua; grandes hombres la han hecho valer, y las distinciones del espíritu han sido los únicos goces, y a menudo los únicos consuelos, de la nación italiana. Para que todo hombre capaz de pensar sienta un motivo para el propio desarrollo, es necesario que las naciones tengan un principio activo de interés: unas son militares; otras, políticas. Los italianos deben hacerse notar por la literatura y las bellas artes, de otro modo su patria caería en una suerte de apatía de la cual al mismo sol le costaría despertarla.
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