Saltana Revista de literatura i traducció A Journal of Literature & Translation Revista de literatura y traducción Introducción
ENTRE LOS NEGROS
Traducción de Hermes Salceda
Si je publie ces Textes de grande jeunesse, c’est pour mettre en relief la genèse de mon œuvre. Par exemple, le récit intitulé Parmi les Noirs est l’embryon de mon livre Impressions d’Afrique. Le mot Lettres est pris dans deux sens différents : le blanc, c’est Carmichaël ; les hordes, ce sont les bandes du billard (le pillard, c’est Tombola-Talou). Tout ce qui a été exécuté ensuite est né par le même procédé.
Les lettres du blanc sur les bandes du vieux billard formaient un incompréhensible assemblage. J’en étais déjà à mon sixième tour et je voyais avec plaisir les mots baroques que j’obtenais avec mon système pourtant si simple.
    — Quel charabia ! pensais-je. Personne ne trouvera la clé et Balancier lui-même n’y comprendra rien.
C’est une nature intéressante que Balancier. Tout jeune il faisait déjà des pièces de vers pleines de promesses et de qualité. Son premier roman m’avait beaucoup séduit par la simplicité et la vigueur du style. Je lui avais fait part de ma bonne impression et la réponse que j’avais reçue de lui le lendemain même débordait de reconnaissance et de sympathie. Ensuite j’étais resté deux ans sans nouvelles de Balancier. Mais un matin on m’avait remis un envoi d’éditeur qui n’était autre chose qu’un nouveau livre de lui intitulé : Parmi les Noirs. En haut de la première page, quelques mots de dédicace doublaient à mes yeux la valeur du volume.
Voici le sujet de Parmi les Noirs.
    Un capitaine au long cours nommé Compas s’embarque un jour à Brest. Sa femme et son jeune fils, âgé de cinq ans, pleurent en lui disant adieu et restent à bord jusqu’au moment où on va lever l’ancre. Enfin l’heure sonne ; l’épouse regagne le quai avec l’enfant et le navire s’éloigne.
Le beau temps favorise la traversée pendant toute la première semaine. Mais le huitième jour un ouragan terrible se déchaîne. Le bateau, brisé de toutes parts, peut couler d’un moment à l’autre. L’équipage entier prend place dans les chaloupes. Seul, Compas refuse de quitter son bord malgré les supplications qui lui sont faites. Il regarde ses compagnons qui s’éloignent rapidement, et bientôt il les a tous perdus de vue. Un coup de vent brise son mât qui, en tombant, le blesse à la tête. Il s’affaisse sans connaissance sur le pont. Quand il revient à lui, il se voit entouré de plusieurs nègres qui pansent sa blessure. Son bateau, échoué sur la grève, n’est plus qu’un amas d’épaves qui se tiennent à peine. Pourtant certaines parties de la cargaison sont encore bonnes et d’autres nègres, en plus grand nombre, transportent sur leur dos des objets de toutes sortes.
Au bout de quelques jours, Compas est rétabli. Il va trouver le chef nègre, un vieillard terrible qu’on appelle Tombola. Par une intelligente pantomime, il lui fait comprendre qu’il voudrait bien s’en aller. Tombola se met en colère et donne des ordres pour que Compas soit gardé à vue. Alors commence une vie nomade pleine de fatigues et de dangers. Tombola commande en maître absolu à de véritables hordes de nègres avec lesquelles il saccage tout ce qu’il trouve sur son chemin. En étudiant la faune et la flore du pays, Compas acquiert la certitude qu’il parcourt l’Afrique centrale. Il est toujours l’objet d’une surveillance continuelle, car Tombola tient à lui pour son intelligence et son instruction, qu’il ne manque pas d’utiliser chaque jour.
Sans pouvoir s’y habituer, Compas assiste sans cesse à de nouvelles cruautés. Sitôt qu’un village est signalé, Tombola l’attaque avec ses innombrables troupes qui en ont vite raison. Ce sont alors d’affreuses scènes de cannibalisme. Les vieillards ne sont pas plus épargnés que les enfants et les adultes, et Tombola est le premier à faire ripaille avec cette chair humaine. Tous ceux qu’on épargne sont enrôlés comme recrues. On s’empare de tout le butin possible et, avant de s’éloigner, on met le feu aux quatre coins du malheureux hameau. Que fait Compas pendant les quelques heures de répit que lui laisse parfois cette vie épuisante ? Il puise à la provision de papier, de plumes et d’encre que les nègres ont trouvée en dépouillant son navire ; et il écrit… Il écrit à l’épouse qu’il ne reverra peut-être jamais, à l’épouse qui sans doute le croit déjà mort. Il veut qu’elle espère toujours et qu’elle se souvienne de lui. Les pages sont vite remplies parles détails que donne Compas sur les faits et gestes de Tombola et de ses armées sauvages. Ce n’est que pressé par le temps que le pauvre captif se décide à finir. Il met le tout dans une solide enveloppe puis trace l’adresse de sa femme en gros caractères. Ensuite il va chercher une grande cage remplie d’oiseaux de toutes sortes qu’il a pris au piège ; il choisit parmi eux le plus beau et le plus fort ; après l’avoir caressé un moment comme pour lui recommander la prudence, il lui attache l’enveloppe au cou et lui rend la liberté. Et c’est avec de lourds battements de cœur qu’il le suit des yeux dans le ciel aussi longtemps qu’il peut.
Presque chaque jour Compas emploie ce moyen pour raconter à sa femme ses terribles aventures. C’est une sorte de journal de sa vie qu’il rédige.
Or ces récits pleins de verve et d’imagination formaient l’unique matière de Parmi les Noirs. Dans le premier, Compas parlait de la traversée depuis l’instant de la séparation, puis du naufrage et de son retour à la vie au milieu des nègres. Le second était consacré au portrait de Tombola, «un grand vieillard noir comme l’ébène, au regard farouche et sanguinaire, qui d’un geste fait trembler les milliers de barbares qu’il entraîne à sa suite». Venaient ensuite les premières atrocités dont Compas était spectateur. Et tout au long du volume on pouvait le suivre à travers des régions inexplorées où Tombola pouvait satisfaire à l’aise ses instincts féroces ; chaque récit était daté, ce qui donnait une grande clarté à l’ensemble de l’ouvrage. Pour finir, Balancier faisait échapper son héros, qui après de nouveaux dangers, était recueilli par des voyageurs européens en train de regagner les pays civilisés de la côte. Compas racontait lui-même cet heureux dénouement dans sa dernière épître. Avant de signer, il disait : « à bientôt » à sa femme et à son fils, car son rapatriement ne faisait plus aucun doute à ses yeux maintenant qu’il se retrouvait au milieu de ses semblables.
Je n’avais pas revu Balancier depuis plus d’un mois que j’avais fini Parmi les Noirs. Aussi ma joie fut-elle grande de le retrouver chez mon ami et confrère Flambeau, qui m’avait invité à passer une semaine chez lui à la campagne. Je pus le remercier de son envoi et parler avec lui des moindres détails de son œuvre.
10  Or ce jour là il pleuvait à verse, et Flambeau, en maître de maison attentif, avait cherché un moyen de passer agréablement l’après-midi sans sortir de la maison.
11  Nous étions une dizaine dans le salon. Flambeau proposa un jeu qui promettait de nous occuper pendant un bon bout de temps. Voici en quoi cela consistait. On posait par écrit une question quelconque à une personne ; puis on l’enfermait dans une pièce voisine. Au bout de dix minutes, montre en main, on rouvrait la porte, et la personne devait donner la réponse sous forme de rébus. Le premier qui devinait le rébus était mis sur la sellette à son tour, et c’est à lui qu’on posait la question suivante.
12  Pour commencer on tira au sort. Tous les noms furent mis dans un chapeau et Flambeau se chargea d’en tirer un. Il déplia le papier et lut: Débarras.
13a  Vêtu de son éternel complet de velours marron, le pauvre peintre était plus minable que jamais. On lui demanda par écrit ce qu’il préférait de l’aquarelle ou du pastel, avec les motifs de la préférence. Puis on alla dans la pièce attenante au salon ; là, Gauffre et Balancier étaient en train de discuter un savant carambolage ; Gauffre prétendait qu’il fallait attaquer par la rouge ; Balancier en tenait pour la blanche. On pria les deux joueurs de revenir au salon afin d’enfermer Débarras à leur place comme il était convenu. Flambeau surveilla l’heure. A la fin de la dixième minute il alla ouvrir la porte et Débarras nous apporta le rébus, qui circula aussitôt de main en main. Pour ma part, je n’y compris pas grand’chose. Ça commençait par deux notes, un la et un , sur une portée à clef de sol. Mais, au lieu de noires ou de blanches, il y avait pour le la trois lettres : coi, et pour le une étrange bête à quatre pattes. Ensuite venait une sorte de prairie, puis des barres de fer entrées dans un sac et dépassant du tiers ; après on lisait les lettres suivantes : OSE SA SA ; enfin une S, dessinée en pattes de mouche avec des bras et des jambes comme des cheveux, soulevait un lourd fardeau qu’un vieillard portait péniblement sur son dos ; le vieillard avait SONEC écrit sur le corps ; une ligne courbe sortant de sa bouche pour y rentrer après un détour encadrait cette phrase : « J’ai besoin de secours. » Pour finir, un nouveau la, une vraie note cette fois, figurait sur une portée semblable. Je ne fus pas long à donner ma langue aux chiens et je tendis le papier à Mme Bosse, qui se trouvait auprès de moi. Elle mit à peine deux minutes à avoir la solution et nous dit d’un air tout naturel :
    — L’aquarelle a ma préférence à cause de sa finesse et de son éclat.
13b Débarras approuva de la tête et Mme Bosse reprit en nous faisant suivre sur le dessin :
    — LA coi RÉlama — pré— fer en sac — OSE — deux SA — fine S aide SONEC — LA.
14  Mme Bosse avait trouvé, c’était à elle d’être interrogée. Flambeau lui remit un nouveau bout de papier sur lequel il venait de mettre ces mots:
« Indiquez un sujet de tableau qui vous plairait à exécuter. »
15  Huit minutes après s’être enfermée, Mme Bosse revint d’elle-même avec un second rébus.
16  Quand on me le passa, certaines choses me sautèrent aux yeux du premier coup. Un homme avec un G pour tête gisait dans un grand lit ; cette phrase : « Je suis à toute extrémité » sortait de sa bouche. Deux autres individus ayant chacun une étrange figure faite d’un K formaient avec le G toute la première ligne. Le K du milieu se tenait les côtes en proie à une hilarité exagérée. Le second enfonçait un poignard dans le ventre d’un malheureux dont le torse portait ces lettres : REDEM. Entre le G moribond et le joyeux K il y avait ce mot auquel semblait manquer la première lettre : « éferla ». La seconde ligne commençait par un ouvrier en train de scier du bois ; son corps formait la diphtongue ON. Le rébus se terminait par un portrait d’homme poudré dans un médaillon ; tout autour on lisait en fines majuscules sur le bord de la miniature : « Membre du Directoire, 1755-1829. » Le médaillon était séparé de l’ouvrier par un dé à jouer.
17  Après un moment de réflexion, j’eus la phrase au complet et je la détaillai en faisant suivre les autres sur le dessin :
    — G meurt — éferla — K rit — K tue REDEM — ON scieur — dé — Barras.
    Et je repris couramment :
    — J’aimerais faire la caricature de monsieur Débarras.
18  Tout le monde se prit à rire, Débarras tout le premier. Le brave garçon justifiait bien par son aspect bizarre le désir de Mme Bosse. Mais j’avais oublié que c’était à moi d’être enfermé. Il fallut que Flambeau me le rappelât en me donnant la question qu’il venait de formuler à mon intention.
19  Quand je fus seul, je regardai ma montre et je me mis à réfléchir. Voici ce que Flambeau avait mis sur le papier : « Quels sont, d’après vous, les écrits les plus émouvants qui aient été publiés cette année ? »
20a  Tout de suite je pensai à Parmi les Noirs.
    — Mais je ne sais pas dessiner, me disais-je. Que puis-je faire après deux professionnels comme Débarras et Mme Bosse ?
    C’est alors que me vint l’idée d’un cryptogramme. Les trois billes étaient encore à leur place pour le carambolage que discutaient Gauffre et Balancier au moment où nous avions interrompu leur partie. Je pris un des petits cubes de craie qui traînaient là. Justement j’avais vu Balancier s’en servir avec soin avant de jouer pendant qu’il parlait en faveur de la blanche.
20b  Puis je me mis à tracer de belles majuscules sur le drap vert tout usé ou décoloré par endroits. Mais, au lieu d’étaler ma phrase dans l’ordre normal, j’écrivais une majuscule sur le premier côté, ensuite une autre sur le second, une sur le troisième et une sur le quatrième ; après quoi je revenais au premier et ainsi de suite, ce qui donnait un résultat complètement inintelligible. Au sixième tour j’avais quatre mots aussi saugrenus les uns que les autres, et plus j’allais, plus ça m’embrouillait.
21  Enfin, après avoir compté dix tours trois quarts, je m’arrêtai un peu étourdi. En tirant ma montre je m’aperçus que j’étais en avance d’une demi-minute ; j’ouvris la porte et je vis Flambeau qui s’avançait déjà vers moi. Sur ma demande, tout le monde vint me rejoindre et j’indiquai de la main où j’avais mis ma réponse.
22  La place ne manquait pas et tous purent chercher à la fois.
    Il y avait sur le premier côté :
    LEEBCLASIPA
    Sur le second :
    ETSLSENDEIR
    Sur le troisième :
    STDAUSDUULD
    Et sur le quatrième :
    LRUNRBEVXL
23  Après avoir tournaillé un instant, Balancier parut avoir une idée. Il sortit un carnet et un crayon de sa poche et se mit à copier attentivement les quatre mots énigmatiques. Puis, laissant les autres se creuser la tête de compagnie, il se retira dans un coin pour mieux s’absorber. Bientôt sa figure s’éclaira et je vis ses lèvres articuler prudemment plusieurs mots.
    — Il a la clé, me dis-je ; ce n’est plus qu’une affaire de secondes.
24  En effet, Balancier me jeta au même moment un regard d’intelligence et annonça à haute voix qu’il avait trouvé.
25  Il montra les quatre mots qu’il avait écrits juste au-dessous les uns des autres, en expliquant qu’il suffisait dès lors de lire de haut en bas pour avoir l’ordre véritable de la phrase.
26  Puis, s’adressant à Flambeau :
    — Voulez-vous nous rappeler, dit-il, les termes exacts de la question ?
    Flambeau répéta de mémoire :
    — Quels sont, d’après vous, les écrits les plus émouvants qui aient été publiés cette année ?
    Tout le monde avait lu Parmi les Noirs.
   On comprit donc facilement ma réponse quand Balancier, le crayon à la main, épela lentement sur son carnet :
    — LES LETTRES DU BLANC SUR LES BANDES DU VIEUX PILLARD.
Las cartas del blanco sobre las bandas del viejo bar formaban una combinación incomprensible. Ya estaba en la sexta vuelta y veía con deleite las palabras barrocas que conseguía a pesar de mi sistema tan simple.
    –¡Qué galimatías! –pensaba–. Nadie va a dar con la clave, ni siquiera el propio Balancier comprenderá nada.
Balancier es un personaje interesante. Siendo todavía un muchacho ya hacía algunas composiciones en verso llenas de promesas y de cualidades. Su primera novela me había seducido mucho por su naturalidad y por la fuerza de su estilo. Le había comunicado mi buena impresión y la respuesta que había recibido al día siguiente mismo desbordaba reconocimiento y simpatía. Después había estado dos años sin tener noticias de Balancier. Pero una mañana recibí un envío de un editor que no era sino un nuevo libro suyo titulado Entre los negros. En la parte superior de la primera página, unas palabras a modo de dedicatoria doblaban para mí el valor del volumen.
He aquí el argumento de Entre los negros.
   Un capitán de altura llamado Compas embarca un día en Brest. Su mujer y su pequeño hijo de cinco años lloran al despedirle y permanecen a bordo hasta que el barco leva anclas. Por fin llega el momento; la esposa vuelve al muelle con el niño y el navío se aleja.
Durante toda la primera semana el buen tiempo favorece la travesía. Pero el octavo día se desata un terrible huracán. El barco, que hace aguas por todas partes, amenaza con hundirse de un momento a otro. La tripulación al completo se aprieta en las chalupas. Compas, solo, se niega a abandonar el barco pese a las súplicas que le hacen. Ve como sus compañeros se alejan rápidamente y pronto los pierde a todos de vista. Un golpe de viento rompe el mástil que, al caer, lo hiere en la cabeza. Se desploma sin conocimiento en el puente. Cuando vuelve en sí, se encuentra rodeado por varios negros que vendan sus heridas. Su barco, encallado en la playa, no es más que un montón de maderos que apenas se aguantan. A pesar de todo algunas partes de la carga se han salvado y otro grupo de negros, más numeroso, transporta a hombros toda clase de objetos.
5 Unos días más tarde, Compas se ha restablecido. Va a ver al jefe de los negros, pero se lleva una gran sorpresa al comprobar que no es un negro sino un viejo europeo. Su nombre es Sir John Ball, un miembro de la cámara de los lores condenado por el rey al destierro. Compas espera que le facilite el regreso, pero pronto se ve desilusionado. John Ball, temeroso de que el capitán comunicara a las autoridades su paradero, ordena a sus tropas de negros que lo vigilen estrechamente. Compas empieza entonces una vida nómada llena de fatigas y de peligros. John Ball manda como rey absoluto sobre verdaderas hordas de negros con las que saquea todo lo que encuentra a su paso. Estudiando la fauna y la flora del país, Compas se cerciora de que está recorriendo África central. John Ball no se fía y los negros nunca le dejan solo.
Sin poder acostumbrarse, Compas presencia cada día nuevas atrocidades. Tan pronto como se avista un poblado, John Ball lo ataca con sus innumerables tropas y enseguida lo someten. Se suceden entonces horripilantes escenas de canibalismo. Son sacrificados tanto viejos como niños y adultos; John Ball es el primero en atiborrarse con esa carne humana. Los que no son asesinados engrosan sus filas. Rapiñan todo el botín posible y, antes de alejarse, prenden fuego a la desdichada aldea por los cuatro costados. ¿Cómo emplea Compas las escasas horas que le deja libres esta vida agotadora? Recurre a la provisión de papel, plumas y tinta que los negros han encontrado al saquear su barco y escribe... Escribe a la esposa que quizás no vuelva a ver, a la esposa que sin duda ya lo cree muerto. Desea que no pierda la esperanza y que le recuerde. Las páginas se llenan rápidamente con los detalles de Compas sobre la vida y milagros de John Ball y sus ejércitos salvajes. El pobre cautivo sólo se decide a terminar apurado por el tiempo. Lo introduce todo en un recio sobre y, con grandes caracteres, marca la dirección de su mujer. Después va a buscar una enorme jaula llena de aves de todo tipo que ha capturado y, de entre ellas, elige el pájaro más bonito y más vigoroso; tras acariciarlo un momento como para recomendarle prudencia, le ata el sobre al cuello y le devuelve la libertad. Con el corazón latiéndole fuerte lo sigue con la mirada por el cielo tan lejos como puede.
Compas recurre casi todos los días a este medio para contar a su mujer sus terribles aventuras. Lo que redacta es una suerte de diario de su vida.
Y estos relatos, llenos de brío y de imaginación, formaban la única materia de Entre los negros. En el primero, Compas hablaba de la travesía desde el momento de la separación; luego, del naufragio y de su vuelta a la vida en medio de los negros. El segundo lo dedicaba al retrato de John Ball, «un viejo lord inglés de tez clara, mirada torva y sanguinaria al que basta un gesto para hacer temblar a los miles de bárbaros que le son fieles». A continuación venían las primeras atrocidades que presenciaba Compas. A lo largo de todo el volumen se le seguía por regiones inexploradas donde John Ball daba rienda suelta a sus feroces instintos; cada relato estaba fechado lo cual confería una gran claridad al conjunto de la obra. Para terminar, Balancier hacía escapar a su héroe, que, tras nuevos peligros, era recogido por viajeros europeos de regreso a los países civilizados de la costa. El propio Compas contaba este feliz desenlace en su última misiva. Antes de firmar decía «hasta pronto» a su mujer y a su hijo, ya que su repatriación era segura ahora que se encontraba entre sus semejantes.
No había vuelto a ver a Balancier desde que, hacía más de un mes, había leído Entre los negros. Así que me alegré mucho de encontrarlo en el establecimiento que regentaba mi amigo y compadre Flambeau en el pequeño pueblo donde me había invitado a pasar una semana. Pude darle las gracias por el envío de la novela y discutir con él los pormenores de su obra.
10  Pero ese día llovía a cántaros y Flambeau, como atento patrón, había encontrado el modo de hacernos pasar una tarde agradable sin movernos de allí.
11  Éramos unos diez habituales en el local. Flambeau propuso un juego que prometía entretenernos a todos un buen rato. En esto consistía: por escrito planteábamos a alguien una pregunta cualquiera, después le encerrábamos en la sala contigua, un salón de juegos donde Flambeau había reunido todo tipo de pasatiempos para distraer a sus clientes: cartas, ajedrez, damas, billar, dardos. Al cabo de diez minutos de reloj, abríamos la puerta y la persona tenía que dar la respuesta en forma de jeroglífico. Se sentaba en el banquillo quien adivinaba el jeroglífico y le hacíamos la siguiente pregunta.
12  El primero lo echamos a suertes. Metimos todos los nombres en un sombrero y Flambeau se encargó de sacar uno. Desplegó el papel y leyó: Débarras.
13a  Vestido con su sempiterno traje de terciopelo marrón, el pobre pintor daba más pena que nunca. Le preguntamos por escrito si prefería la acuarela o el pastel y los motivos de su preferencia. Fuimos al salón de juegos anejo, donde Gauffre y Balancier discutían una apuesta de una famosa modalidad de póquer creada por nuestro anfitrión.
13b  Flambeau era un hombre con una gran imaginación y había llegado a inventar una curiosa variedad de ese juego, que él denominaba «póquer de diana musical», de mucho éxito entre su clientela. Tal juego consistía en una diana rectangular en cuya superficie adhesiva se habían dispuesto los naipes de una baraja completa. En una mesa adyacente, el centro de tiro estaba conectado a una vitrina cuadrada que contenía un conjunto de miniaturas del tamaño de soldados de plomo. Cada figurita llevaba un instrumento de viento y, por sus uniformes, se deducía que representaban los conjuntos de música de distintos ejércitos. Había en total siete grupos de músicos. El jugador tenía que tirar cinco dardos a la diana para formar la jugada de póquer más alta posible. A cada combinación de cartas le correspondía un número determinado de conjuntos musicales. Para la jugada más baja, la pareja, sonaba un solo conjunto en la mesa adyacente, para la doble pareja sonaban dos conjuntos. Así hasta que sonaban los siete con la tirada de mayor valor.
13c  Interrumpimos la discusión de los dos jugadores y les pedimos que se unieran a nosotros en el bar para dejar solo a Débarras. Flambeau controló la hora. Al cabo del décimo minuto fue a abrir la puerta y Débarras nos trajo el jeroglífico que circuló de mano en mano. Por mi parte, no entendí nada. La primera figura era un animal salvaje, un león. En su lomo llevaba escrito el prefijo pre, inmediatamente se veía un personaje al borde de un estanque dando un la sostenido y un pato, que desde el agua parecía acompañarle con su cua; venían luego dos notas musicales, RE-LA; a continuación el dibujo de un cadáver sanguinolento junto al cual otro personaje levantaba una copa profiriendo un fuerte ¡HURRA!; finalmente, en torno a una mesa sobre cuya superficie se distinguía una R mayúscula, dos personajes, uno de ellos, sacudido por el hipo, blandía un trozo de queso brie que visiblemente había arrebatado al otro comensal. Débarras asintió con la cabeza y la señora Bosse repitió invitándonos a seguir en el dibujo:
    –PRE-FIERO LAA-CUA RE-LA POR-SU-FIN-URA YPO-R-SU-BRIE-YO.
    –Prefiero la acuarela por su finura y por su brillo.
14  La señora Bosse había dado con la solución, así que la próxima pregunta sería para ella. Flambeau le entregó otro trozo de papel en el que acababa de escribir las siguientes palabras: «Indique el tema de un cuadro que le gustaría realizar».
15  Ocho minutos después de haberse encerrado, la señora Bosse volvió con un segundo jeroglífico.
16  Cuando me lo pasaron, algunas cosas me saltaron a la vista de inmediato. El dibujo mostraba un chico de perfil, de él salía un bocadillo en el que había un corazón. Se veía después una hache mayúscula seguida del símbolo químico del acero; parecía entonces una señora enjoyada poniéndose laca, del spray salía el pronombre Tú; le seguía una figura que representaba el dios egipcio Ra; a su lado figuraba el triángulo divino precedido de la palabra; finalmente, una figura humana cuya cabeza formaba una D y parecía estar jugando a las cartas en un bar exhibía un as.
17  Tras un momento de reflexión, di con la frase completa y la expliqué invitando a los otros a seguirme en el dibujo.
    -ME-GUSTA-RIA H-ACERO-LACA-RICA- TU-RA DEL-SEÑOR-D-BAR-AS.
    Y repetí todo seguido:
    –Me gustaría hacer la caricatura del señor Débarras.
18  Todo el mundo se echó a reír y el primero, Débarras. El buen muchacho encontraba más que justificado el deseo de la señora Bosse por su aspecto excéntrico. Pero yo me había olvidado de que me tocaba ser encerrado. Flambeau hubo de recordármelo al darme la pregunta que acababa de formular para mí.
19  Cuando me quedé solo, miré el reloj y me puse a pensar. Esto es lo que Flambeau había puesto en el papel: «De los escritos publicados este año, ¿cuáles cree que son los más emocionantes?»
20ab  Inmediatamente pensé en Entre los negros.
    –Pero yo no sé dibujar –me dije–, ¿qué puedo hacer después de dos profesionales como Débarras y la señora Bosse? ¿Qué podía hacer?
    Recorrí la sala con la mirada en busca de inspiración. Entonces, se me ocurrió hacer un criptograma. Los dardos de la tirada que discutían Gauffre y Balancier aún estaban en la diana. Cogí una tiza que usaba para anotar las apuestas del póquer, fui despegando las cartas de la diana de una en una y anotando en el dorso una letra mayúscula. Cuando terminé, me dispuse a colocar los naipes en los laterales de la vitrina con miniaturas musicales. Pero, en vez de alinear mi frase en el orden normal, ponía una carta con mayúscula en el primer lado, después otra en el segundo, una en el tercero, y una en el cuarto; después volvía al primer lado, y así seguía, lo que daba un resultado completamente ininteligible. En la sexta vuelta ya tenía cuatro palabras a cuál más retorcida, y cuanto más avanzaba más se liaba...
21  Por fin, después de haber contado diez vueltas y tres cuartos, me paré un poco aturdido. Miré el reloj y me di cuenta de que llevaba medio minuto de adelanto, abrí la puerta y vi que Flambeau ya se acercaba. A petición mía todos vinieron y les indiqué con la mano el lugar donde había puesto mi respuesta.
22  El espacio era amplio y todos pudieron buscar al mismo tiempo.
    En el primer lateral de la vitrina con grupos musicales se veía:
    LASBCBANDIP
    En el segundo,
    ARDLORSDEEA
    En el tercero,
    STEASEBALJR
    En el cuarto,
    CALNOLASVO.
23  Tras haber dado unas cuantas vueltas, a Balancier pareció ocurrírsele una idea. Sacó una libreta y un lápiz del bolsillo y se puso a copiar atentamente las cuatro palabras enigmáticas. Luego, dejando a los demás devanarse los sesos en compañía, se retiró a un rincón para concentrarse mejor. No tardó en iluminarse su rostro y vi sus labios articulando despacio varias palabras.
    –Tiene la clave –me dije–; ya sólo es cuestión de segundos.
24  Efectivamente, Balancier me echó una mirada de complicidad y anunció en voz alta que lo había resuelto.
25  Mostró las cuatro palabras que había escrito alineándolas una debajo de otra y explicó que bastaba con leer de arriba abajo para dar con el verdadero orden de la frase.
26  Y, después, dijo dirigiéndose a Flambeau:
    –¿Quiere usted recordarnos los términos concretos de la pregunta?
    Flambeau repitió de memoria:
    –De los escritos publicados este año ¿cuáles cree que son los más emocionantes?
    Todo el mundo había leído Entre los negros. Por eso se entendió fácilmente mi respuesta cuando Balancier, lápiz en mano, deletreó despacio en su libreta:
    -LAS... CARTAS... DEL... BLANCO... SOBRE... LAS... BANDAS... DEL... VIEJO... PAR.
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