Saltana Revista de literatura i traducció A Journal of Literature & Translation Revista de literatura y traducción Introducción
El filósofo, p. 1
El filósofo, p. 2
EL FILÓSOFO
Traducción de Genoveva Arcaute
1  Il n'y a rien qui coute moins à acquérir aujourd'hui que le nom de philosophe ; une vie obscure & retirée, quelques dehors de sagesse, avec un peu de lecture, suffisent pour attirer ce nom à des personnes qui s'en honorent sans le mériter. D'autres, qui ont eu la force de se défaire des préjugés de l'éducation en matière de religion, se regardent comme les seuls véritables philosophes. Quelques lumières naturelles de raison, et quelques observations sur l'esprit et le coeur humain, leur ont fait voir que nul être suprême n'exige de culte des hommes, que la multiciplicité des religions, leur contrariété, et les différens changemens qui arivent en chacune sont une preuve sensible qu'il n'y en a jamais eu de révélée, et que la religion n'est qu'une passion humaine, comme l'amour, fille de l'admiration, de la crainte et de l'espérance ; mais ils en sont demeurés à cette seule spéculation, et c'en est assez aujourd'hui pour être reconu philosophe par un grand nombre de personnes.
2  Mais on doit avoir une idée plus vaste et plus juste du philosophe, & voici le caractere que nous lui donnons.
3  Le philosophe est une machine humaine comme un autre homme ; mais c'est une machine qui, par sa constitution méchanique, réfléchit sur ses mouvemens. Les autres hommes sont déterminés à agir sans sentir, ni connoître les causes qui les font mouvoir, sans même songer qu'il y en ait. Le philosophe au contraire demêle les causes autant qu'il est en lui, & souvent même les prévient, & se livre à elles avec connoissance : c'est une horloge qui se monte, pour ainsi dire, quelquefois elle-même. Ainsi il évite les objets qui peuvent lui causer des sentimens qui ne conviennent ni au bien-être, ni à l'être raisonnable, & cherche ceux qui peuvent exciter en lui des affections convenables à l'état où il se trouve. La raison est à l'égard du philosophe, ce que la grace est à l'égard du chrétien, dans le système de Saint Augustin. La grace détermine le chrétien à agir ; la raison détermine le philosophe sans lui ôter le goût du volontaire.
Les autres hommes sont emportés par leurs passions, sans que les actions qu'ils font soient précédées de la réflexion : ce sont des hommes qui marchent dans les ténebres ; au lieu que le philosophe dans ses passions mêmes, n'agit qu'après la réflexion ; il marche la nuit, mais il est précédé d'un flambeau.
5  Le philosophe forme ses principes sur une infinité d'observations particulieres. Le peuple adopte le principe sans penser aux observations qui l'ont produit  : il croit que la maxime existe pour ainsi dire par elle-même ; mais le philosophe prend la maxime dès sa source ; il en examine l'origine ; il en connoît la propre valeur, & n'en fait que l'usage qui lui convient. De cette connoissance que les principes ne naissent que des observations particulières, le philosophe en conçoit de l'estime pour la science des faits ; il aime à s'instruire des détails et de tout ce qui ne se devine point. Ainsi il regarde comme une maxime très-opposée au progrès des lumières de l'esprit, que de se borner à la seule méditation, et de croire que l'homme ne tire la vérité que de son propre fonds. Certains métaphysiciens disent : évitez les impressions des sens, laissez aux historiens la connoissance des faits, et celle des langues aux grammairiens. Nos philosophes, au contraire, persuadés que toutes nos connoissances nous viennent des sens, que nous ne nous sommes fait des règles que sur l'uniformité des impressions sensibles, que nous sommes au bout de nos lumières, quand nos sens ne sont ni assez déliés, ni assez forts pour nous en fournir ; convaincus que la source de nos connoissances est entièrement hors de nous, ils nous exhortent à faire une ample provision d'idées en nous livrant aux impressions extérieures des objets, mais en nous y livrant en disciple qui consulte, et qui écoute, et en maître qui décide et qui impose silence ; ils veulent que nous étudiions l'impression précise que chaque objet fait en nous, et que nous évitions de la confondre avec celle qu'un autre objet a causée.
6  De-là, la certitude et les bornes des connoissances humaines : certitude, quand on sent que l'on a reçu du dehors l'impression propre et précise que chaque jugement suppose ; car tout jugement suppose une impression extérieure qui lui est particulière : bornes, quand on ne sauroit recevoir des impressions ou par la nature de l'objet, ou par la foiblesse de nos organes ; augmentez, s'il est possible, la puissance des organes, vous augmenterez les connoissances. Ce n'est que depuis la découverte du télescope et du microscope qu'on a fait tant de progrès dans l'astronomie et dans la physique.
7  C'est aussi pour augmenter le nombre de nos connoissances et de nos idées, que nos philosophes étudient les hommes d'autrefois et les hommes d'aujourd'hui..
Répandez-vous comme des abeilles, nous disent-ils, dans le monde passé et dans le monde présent, vous reviendrez ensuite dans votre ruche composer votre miel.
9  Le philosophe s'applique à la connoissance de l'univers et de lui-même ; mais comme l'oeil ne sauroit se voir, le philosophe connoît qu'il ne sauroît se connoître parfaitement, puisqu'il ne sauroît recevoir des impressions extérieures du dedans de lui-même, et que nous ne connoissons rien que par de semblables impressions. Cette pensée n'a rien d'affligeant pour lui parce qu'il se prend lui-même tel qu'il est, et non pas tel qu'il semble à l'imagination qu'il pourroît être. D'ailleurs cette ignorance n'est pas en lui une raison de décider qu'il est composé de deux substances opposées : ainsi, comme il ne se connoît pas parfaitement, il dit qu'il ne connoît pas comment il pense ; mais comme il sent qu'il pense si dépendamment de tout lui-même, il reconnoît que sa substance est capable de penser de la même manière qu'elle est capable d'entendre et de voir. La pensée est en l'homme un sens comme la vue et l'ouie, dépendant également d'une constitution organique. L'air seul est capable de sons, le feu seul peut exciter la chaleur, les yeux seuls peuvent voir, les seules oreilles peuvent entendre, et la seule substance du cerveau est susceptible de pensées.
10 Que si les hommes ont tant de peine à unir l'idée de la pensée avec l'idée de l'étendue, c'est qu'ils n'ont jamais vu d'étendue penser. Ils sont à cet égard ce qu'un aveugle né est à l'égard des couleurs, un sourd de naissance à l'égard des sons ; ceux-ci ne sauroient unir ces idées avec l'étendue qu'ils tâtent, parce qu'ils n'ont jamais vu cette union.
11  La vérité n'est pas pour le philosophe une maîtresse qui corrompe son imagination, & qu'il croie trouver par-tout ; il se contente de la pouvoir démêler où il peut l'appercevoir. Il ne la confond point avec la vraisemblance ; il prend pour vrai ce qui est vrai, pour faux ce qui est faux, pour douteux ce qui est douteux, & pour vraisemblable ce qui n'est que vraisemblable. Il fait plus, & c'est ici une grande perfection du philosophe, c'est que lorsqu'il n'a point de motif propre pour juger, il sait demeurer indéterminé.
12 Chaque jugement, comme on a déjà remarqué, suppose un motif extérieur qui doit l'exciter : le philosophe sent quel doit être le motif propre du jugement qu'il doit porter. Si le motif manque, il ne juge point, il l'attend, et se console quand il voit qu'il l'attendroit inutilement.
13  Le monde est plein de personnes d'esprit & de beaucoup d'esprit, qui jugent toujours : toujours ils devinent, car c'est deviner que de juger sans sentir quand on a le motif propre du jugement. Ils ignorent la portée de l'esprit humain ; ils croyent qu'il peut tout connoître : ainsi ils trouvent de la honte à ne point prononcer de jugement, & s'imaginent que l'esprit consiste à juger. Le philosophe croit qu'il consiste à bien juger : il est plus content de lui-même quand il a suspendu la faculté de se déterminer que s'il s'étoit déterminé avant d'avoir senti le motif propre à la décision. Ainsi il juge & parle moins, mais il juge plus surement & parle mieux ; il n'évite point les traits vifs qui se présentent naturellement à l'esprit par un prompt assemblage d'idées qu'on est souvent étonné de voir unies. C'est dans cette prompte liaison que consiste ce que communément on appelle esprit ; mais aussi c'est ce qu'il recherche le moins, il préfère à ce brillant le soin de bien distinguer ses idées, d'en connoître la juste étendue & la liaison précise, & d'éviter de prendre le change en portant trop loin quelque rapport particulier que les idées ont entr'elles. C'est dans ce discernement que consiste ce qu'on appelle jugement & justesse d'esprit : à cette justesse se joignent encore la souplesse & la netteté. Le philosophe n'est pas tellement attaché à un système, qu'il ne sente toute la force des objections. La plûpart des hommes sont si fort livrés à leurs opinions, qu'ils ne prennent pas seulement la peine de pénétrer celles des autres. Le philosophe comprend le sentiment qu'il rejette, avec la même étendue & la même netteté qu'il entend celui qu'il adopte.
14  L'esprit philosophique est donc un esprit d'observation & de justesse, qui rapporte tout à ses véritables principes ; mais ce n'est pas l'esprit seul que le philosophe cultive, il porte plus loin son attention & ses soins.
15  L'homme n'est point un monstre qui ne doive vivre que dans les abîmes de la mer, ou dans le fond d'une forêt : les seules nécessités de la vie lui rendent le commerce des autres nécessaire ; & dans quelqu'état où il puisse se trouver, ses besoins & le bien être l'engagent à vivre en société. Ainsi la raison exige de lui qu'il connoisse, qu'il étudie, & qu'il travaille à acquérir les qualités sociables. Il est étonnant que les hommes s'attachent si peu à tout ce qui est de pratique, et qu'ils s'échauffent si fort sur de vaines spéculations. Voyez les désordres que tant de différentes hérésies ont causés ; elles ont toujours roulé sur des points de théorie : tantôt il s'est agi du nombre des personnes de la trinité et de leur émanation ; tantôt du nombre des sacremens et de leur vertu ; tantôt de la nature et de la force de la grâce : que de guerres, que de troubles pour des chimères !
16  Le peuple philosophe est sujet aux mêmes visions : que de disputes frivoles dans les écoles ! que de livres sur de vaines questions ! un mot les décideroit, ou feroit voir qu'elles sont indissolubles.
17  Une secte, aujourd'hui fameuse, reproche aux personnes d'érudition de négliger l'étude de leur propre esprit, pour charger leur mémoire de faits et de recherches sur l'antiquité, et nous reprochons aux uns et aux autres de négliger de se rendre aimables, et de n'entrer pour rien dans la société.
18  Notre philosophe ne se croit pas en exil dans ce monde ; il ne croit point être en pays ennemi ; il veut jouir en sage économe des biens que la nature lui offre ; il veut trouver du plaisir avec les autres : & pour en trouver, il en faut faire : ainsi il cherche à convenir à ceux avec qui le hasard ou son choix le font vivre ; & il trouve en même temps ce qui lui convient : c'est un honnête homme qui veut plaire & se rendre utile.
1  Hoy nada cuesta menos que adquirir el nombre de filósofo: una vida oscura y retirada, alguna apariencia de sensatez y unas pocas lecturas bastan para que reciban este nombre personas que se honran con él sin merecerlo. Otras, que tuvieron la fuerza de deshacerse de los prejuicios de la educación en materia religiosa, se ven a sí mismos como verdaderos filósofos. Algunas luces naturales de la razón y unas cuantas observaciones sobre el espíritu y el corazón humanos han hecho que se den cuenta de que ningún ser supremo exige culto de los hombres, de que la diversidad de las religiones, sus contrariedades y los diferentes cambios que se han dado en cada una son la prueba sensible de que lo revelado jamás existió, y que la religión, como el amor, sólo es una pasión humana más, hija de la admiración, el temor y la esperanza; pero se quedaron sólo con esta especulación, y hoy esto basta para ser reconocido como filósofo por un gran número de personas.
2  Sin embargo, es necesario tener una idea más vasta y más justa del filósofo, y he aquí el carácter que nosotros le atribuimos.
El filósofo es una máquina humana como cualquier otro hombre; pero es una máquina que, por su constitución mecánica, reflexiona sobre sus propios movimientos. Los otros hombres están decididos a obrar sin sentir ni conocer las causas que los hacen mover, sin ni siquiera soñar que las haya. Por el contrario, el filósofo discierne las causas tanto como esté en él hacerlo, e incluso a menudo las previene y se entrega a ellas a sabiendas: es un reloj que a veces se da cuerda a sí mismo, por así decirlo. De este modo, evita los objetos que puedan causarle sentimientos que no convienen a su bienestar o un estado razonable, y busca aquellos que puedan suscitarle afecciones convenientes para el estado en que se encuentra. La razón es al filósofo lo que la gracia es al cristiano en el sistema de San Agustín. La gracia decide al cristiano a obrar; la razón decide al filósofo sin restarle el gusto por lo voluntario.
4  Los otros hombres se dejan llevar por sus pasiones sin que sus acciones estén precedidas por la reflexión; son hombres que caminan en las tinieblas; mientras que el filósofo, en sus pasiones, sólo obra tras la reflexión: camina en la noche, pero lo precede una antorcha.
5  El filósofo forma sus principios sobre infinidad de observaciones particulares. El pueblo adopta el principio sin pensar en las observaciones que lo han producido; cree que la máxima existe por sí misma, por así decirlo; pero el filósofo toma la máxima desde la fuente, examina su origen, conoce su valor apropiado y sólo la usa de la manera que le conviene. Es a partir de este conocimiento de que los principios sólo nacen de las observaciones particulares que el filósofo concibe la estima a la ciencia de los hechos; ama instruirse sobre los detalles y sobre todo lo que no se adivina. Así, considera opuesto al progreso de las luces del espíritu limitarse a la meditación y creer que el hombre obtiene la verdad del fondo de sí mismo. Algunos metafísicos dicen: ¡Evitad las impresiones de los sentidos! ¡Dejad el conocimiento de los hechos a los historiadores y el de las lenguas a los gramáticos! Por el contrario, nuestros filósofos, persuadidos de que todos nuestros conocimientos provienen de los sentidos, de que sólo estamos hechos de reglas fundadas en la uniformidad de nuestras impresiones sensibles, de que estamos en el límite de nuestras luces cuando nuestros sentidos no son tan sutiles ni tan fuertes como para proporcionárnoslas; convencidos de que la fuente de nuestros conocimientos está por entero fuera de nosotros; nuestros filósofos, digo, nos exhortan a hacer una amplia provisión de ideas para librarnos así a la impresión exterior de los objetos, pero para librarnos cual discípulo que consulta y escucha, no cual maestro que decide e impone silencio; quieren que estudiemos la impresión precisa que el objeto causa en nosotros y que evitemos confundirla con la que ha causado cualquier otro objeto.
6  De ahí la certidumbre y los límites de los conocimientos humano: certidumbre, cuando se siente que se ha recibido de afuera la impresión apropiada y precisa que cada juicio supone; pues todo juicio supone una impresión exterior que le es particular; límites, cuando uno no sabe recibir las impresiones debido a la naturaleza del objeto o la debilidad de los órganos; aumentad, si es posible, la potencia de los órganos y aumentareis así los conocimientos. Tantos progresos en astronomía y física sólo fueron posibles a partir del descubrimiento del telescopio y el microscopio.
7  También es para aumentar el número de nuestros conocimientos y nuestras ideas que nuestros filósofos estudian a los hombres del pasado y los hombres de hoy.
8  Extenderos como las abejas por el mundo pasado y el mundo presente, nos dicen, que regresaréis enseguida a vuestra colmena a elaborar vuestra miel.
9  El filósofo se dedica al conocimiento del universo y de sí mismo; pero, de la misma manera que el ojo no sabría verse, el filósofo conoce que no sabría conocerse perfectamente, porque no sabría recibir impresiones exteriores desde dentro de sí mismo, y sólo conocemos por esa clase de impresiones. Este pensamiento no lo aflige porque se toma tal como es y no tal como a la imaginación le parece que podría ser. Por otra parte, para él esta ignorancia no es una razón para resolver que está compuesto por dos sustancias opuestas; así como no se conoce perfectamente, dice que tampoco conoce cómo piensa; pero, dado que siente que piensa de manera dependiente de sí mismo como todo, reconoce que su sustancia es capaz de pensar de la misma manera que es capaz de escuchar y ver. En el hombre, el pensamiento es un sentido como la vista y el oído, y depende igualmente de una constitución orgánica. El aire solo es capaz de sonidos, el fuego solo puede estimular el calor, los ojos solos pueden ver, las orejas solas pueden oír y la sustancia del cerebro sola es susceptible de pensamientos.
10  A los hombres les cuesta tanto trabajo unir la idea de pensamiento con la idea de materia porque nunca han visto a la materia pensar. Son al respecto como un ciego de nacimiento respecto a los colores o un sordo de nacimiento respecto a los sonidos; ellos no sabrían unir estas ideas con la materia que palpan porque nunca vieron tal unión.
11  Para el filósofo, la verdad no es una amante que corrompe su imaginación y a la que cree ver por todas partes; se contenta con la posibilidad de discernirla allí donde la percibe. Jamás la confunde con la verosimilitud; toma por verdadero lo que es verdadero, por falso lo que es falso, por dudoso lo que es dudoso, por verosímil lo que no es más que verosímil. Aún hace más, y ésta es una gran perfección del filósofo: porque, cuando no encuentra el motivo apropiado para juzgar, sabe permanecer indeciso.
12   Cada juicio, como ya se ha señalado, supone un motivo exterior que lo provoca. El filósofo siente cuál debe ser el motivo apropiado del juicio que debe emitir. Si el motivo falta, no juzga, sino que espera y, cuando ve que espera inútilmente, encuentra consuelo.
13   El mundo está lleno de personas de espíritu y aún de mucho espíritu que siempre están juzgando: adivinan siempre, porque adivinar es juzgar sin sentir que existe un motivo apropiado para el juicio. Ignoran el alcance del espíritu humano, creen que puede conocerlo todo: de este modo, se avergüenzan de no pronunciar juicio alguno y se imaginan que el espíritu consiste en juzgar. El filósofo cree que el espíritu consiste en juzgar bien: se siente más satisfecho cuando suspende la facultad de decidir que decidiendo antes de sentir el motivo apropiado de la decisión. También juzga y habla menos, pero juzga con más seguridad y habla mejor; no evita los vivos rasgos que se presentan naturalmente al espíritu por un pronto acoplamiento de ideas, de las que uno se asombra a menudo que estén unidas. Es en esta pronta ligazón donde reside por lo común lo que se llama espíritu; pero también es lo que menos busca, prefiriendo a este brillo momentáneo el cuidado de distinguir bien las ideas y conocer el alcance justo y la ligazón precisa, para evitar así llevar demasiado lejos alguna relación que las ideas tengan entre sí. Este discernimiento caracteriza lo que se llama juicio y rectitud de espíritu. A esta rectitud se agregan la flexibilidad y la claridad. El filósofo no se aferra a un sistema tanto como para no sentir la fuerza de las objeciones. La mayoría de los hombres están tan entregados a sus propias opiniones que ni siquiera se avienen a considerar las ajenas. El filósofo comprende el sentimiento que rechaza con la misma profundidad y claridad con que entiende el que adopta.
14  El espíritu filosófico es, pues, un espíritu de observación y rectitud, que lo remite todo a sus verdaderos principios; pero no cultiva únicamente el espíritu, sino que lleva más lejos su atención y cuidados.
15  El hombre no es un monstruo que sólo puede vivir en los abismos del mar o la espesura de un bosque: las meras necesidades de la vida lo llevan a que necesite el trato con los demás y, en cualquier estado en que se encuentre, sus necesidades y su bienestar lo comprometen a vivir en sociedad. Por lo tanto, la razón le exige conocer, estudiar y cultivarse para adquirir cualidades sociales. Asombra ver que los hombres presten tan poca atención a las cuestiones prácticas y se acaloren tanto con vanas especulaciones. ¡Ved cuántos desórdenes han causado las diferentes herejías! Éstas han versado siempre sobre asuntos teóricos: ya se trate de la cantidad de personas de la Trinidad como de su manifestación, ya del número de los sacramentos como de su virtud, ya sobre la naturaleza y la fuerza de la gracia. ¡Cuántas guerras, cuántos trastornos por quimeras!
16  El pueblo filósofo está expuesto a las mismas visiones: ¡cuántas disputas frívolas en las escuelas, cuántos libros sobre cuestiones vanas! Una sola palabra bastaría para que se decidieran o para que vieran que son insolubles.
17 Una secta hoy famosa (*) reprocha a las personas eruditas que descuiden el estudio del propio espíritu para fatigar la memoria con hechos e investigaciones sobre la antigüedad y nosotros les reprochamos a unos y otros ser negligentes, volverse condescendientes y no tomar parte en nada de la sociedad.
18  Nuestro filósofo no cree ser un exiliado en este mundo; no cree estar en país enemigo; quiere disfrutar como un prudente ecónomo de los bienes que la naturaleza le ofrece; quiere encontrar placer con los demás: para encontrarlo, le hace falta darlo. Asimismo, busca servir a aquellos con los que el azar o la voluntad lo haga vivir; y halla al mismo tiempo aquello que le conviene: es un hombre honesto que quiere agradar y ser útil.


Nota de la traductora

(*) Du Marsais se refiere a los jansenistas.
Derechos de autor Introducción El filósofo, p. 2