Introducción Saltana Revista de literatura i traducció A Journal of Literature & Translation Revista de literatura y traducción
El filósofo, p. 2
El filósofo, p. 1
EL FILÓSOFO
Traducción de Genoveva Arcaute
19  La plûpart des grands à qui les dissipations ne laissent pas assez de tems pour méditer, sont féroces envers ceux qu'ils ne croyent pas leurs égaux. Les philosophes ordinaires qui méditent trop, ou plûtôt qui méditent mal, le sont envers tout le monde ; ils fuient les hommes, & les hommes les évitent. Mais notre philosophe qui sait se partager entre la retraite & le commerce des hommes, est plein d'humanité. C'est le Chrémès de Térence qui sent qu'il est homme, & que la seule humanité intéresse à la mauvaise ou à la bonne fortune de son voisin. Homo sum, humani à me nihil alienum puto.
20  Il seroit inutile de remarquer ici combien le philosophe est jaloux de tout ce qui s'appelle honneur & probité. La société civile est, pour ainsi dire, une divinité pour lui sur la terre ; il l'encense, il l'honore par la probité, par une attention exacte à ses devoirs, & par un désir sincere de n'en être pas un membre inutile ou embarrassant. Les sentimens de probité entrent autant dans la constitution méchanique du philosophe, que les lumieres de l'esprit. Plus vous trouverez de raison dans un homme, plus vous trouverez en lui de probité. Au contraire où regne le fanatisme & la superstition, regnent les passions & l'emportement : c'est le même tempérament occupé à des objets différens : Madeleine qui aime le monde, et Madeleine qui aime Dieu, c'est toujours Madeleine qui aime.
21  Or, ce qui fait l'honnête homme, ce n'est point d'agir par amour ou par haine, par espérance ou par crainte, c'est d'agir par esprit d'ordre ou par raison : tel est le tempérament du philosophe. Or, il n'y a guère à compter que sur les vertus du tempérament ; confiez votre vin plutôt à celui qui ne l'aime pas naturellement, qu'à celui qui forme tous les jours de nouvelles résolutions de ne s'enivrer jamais.
22 Le dévot n'est honnête homme que par passions ; or les passions n'ont rien d'assuré : de plus, le dévot, j'ose le dire, est dans l'habitude de n'être pas honnête homme par rapport à Dieu, parce qu'il est dans l'habitude de ne pas suivre exactement la règle.
23 La religion est si peu proportionnée à l'humanité, que le plus juste fait des infidélités à Dieu sept fois par jour, c'est-à-dire, plusieurs fois : les fréquentes confessions des plus pieux nous font voir, dans leur coeur, selon leur manière de penser, une vicissitude continuelle du bien et du mal ; il suffit, sur ce point, qu'on croie être coupable pour l'être !
24  Le combat éternel où l'homme succombe si souvent avec connoissance, forme en lui une habitude d'immoler la vertu au vice ; il se familiarise à suivre son penchant, et à faire des fautes, dans l'espérance de se relever par le repentir : quand on est si souvent infidelle à Dieu, on se dispose insensiblement à l'être aux hommes.
25 D'ailleurs, le présent a toujours eu plus de force sur l'esprit de l'homme que l'avenir. La religion ne retient les hommes que par un avenir que l'amour-propre fait toujours regarder dans un point de vue fort éloigné. Le superstitieux se flatte sans cesse d'avoir le temps de réparer ses fautes, d'éviter les peines, et de mériter les récompenses : aussi l'expérience nous fait assez voir que le frein de la religion est bien foible. Malgré les fables que le peuple croit du déluge du feu du ciel tombé sur cinq villes ; malgré les vives peintures des peines et des récompenses éternelles ; malgré tant de sermons et tant de prônes, le peuple est toujours le même. La nature est plus forte que les chimères : il semble qu'elle soit jalouse de ses droits ; elle se tire souvent des chaînes où l'aveugle superstition veut follement la contenir : le seul philosophe, qui sait en jouir, la règle par sa raison.
26  Examinez tous ceux contre lesquels la justice humaine est obligée de se servir de son épée, vous trouverez ou des tempéramens ardens, ou des esprits peu éclairés, et toujours des superstitieux ou des ignorans. Les passions tranquilles du philosophe peuvent bien le porter à la volupté, mais non pas au crime ; sa raison cultivée le guide, et ne le conduit jamais au désordre.
27  La superstition ne fait sentir que foiblement combien il importe aux hommes, par rapport à leur intérêt présent, de suivre les loix de la société ; elle condamne même ceux qui ne les suivent que par ce motif, qu'elle apelle avec mépris motif humain : le chimérique est pour elle bien plus parfait que le naturel ; ainsi ses exhortations n'opèrent que comme doit opérer une chimère ; elles troublent, elles épouvantent ; mais, quand la vivacité des images qu'elles ont produites est ralentie, que le feu passager de l'imagination est éteint, l'homme demeure sans lumière, abandonné aux foiblesses de son tempérament.
28  Notre sage, qui, en n'espérant ni ne craignant rien après la mort, semble prendre un motif de plus d'être honnête homme pendant la vie, y gagne de la consistance, pour ainsi dire, et de la vivacité dans le motif qui le fait agir ; motif d'autant plus fort qu'il est purement humain et naturel. Ce motif est la propre satisfaction qu'il trouve à être content de lui-même, en suivant les règles de la probité ; motif que le superstitieux n'a qu'imparfaitement : car tout ce qu'il y a de bien en lui, il doit l'attribuer à la grâce. A ce motif, se rapporte encore un autre motif bien puissant ; c'est le propre intérêt du sage, et un intérêt présent et réel.
29  Séparez pour un moment le philosophe de l'honnête homme : que lui reste-t-il ? la société civile, son unique Dieu, l'abandonne ; le voilà privé des plus douces satisfactions de la vie ; le voilà banni sans retour du commerce des honnêtes gens : ainsi il lui importe bien plus qu'au reste des hommes de disposer tous ses ressorts à ne produire que des effets conformes à l'idée d'honnête homme. Ne craignez pas que parce que personne n'a les yeux sur lui, il s'abandonne à une action contraire à la probité. Non. Cette action n'est point conforme à la disposition méchanique du sage ; il est paîtri, pour ainsi dire, avec le levain de l'ordre & de la regle ; il est rempli des idées du bien de la société civile ; il en connoît les principes bien mieux que les autres hommes. Le crime trouveroit en lui trop d'opposition, il auroit trop d'idées naturelles & trop d'idées acquises à détruire. Sa faculté d'agir est pour ainsi dire comme une corde d'instrument de musique montée sur un certain ton ; elle n'en sauroit produire un contraire. Il craint de se détonner, de se desaccorder avec lui-même ; & ceci me fait ressouvenir de ce que Velleius dit de Caton d'Utique. « Il n'a jamais, dit-il, fait de bonnes actions pour paroître les avoir faites ; mais parce qu'il n'étoit pas en lui de faire autrement ».
30 D'ailleurs dans toutes les actions que les hommes font, ils ne cherchent que leur propre satisfaction actuelle : c'est le bien ou plutôt l'attrait présent, suivant la disposition méchanique où ils se trouvent qui les fait agir. Or, pourquoi voulez-vous que, parce que le philosophe n'attend ni peine ni récompense après cette vie, il doive trouver un attrait présent qui le porte à vous tuer ou à vous tromper ? N'est-il pas, au contraire, plus disposé, par ses réflexions à trouver plus d'attrait & de plaisir à vivre avec vous, à s'attirer votre confiance & votre estime, à s'acquitter des devoirs de l'amitié & de la reconnoissance ? Ces sentimens ne sont-ils pas dans le fond de l'homme, indépendamment de toute croyance sur l'avenir ? Encore un coup, l'idée de mal-honnête homme est autant opposée à l'idée de philosophe, que l'est l'idée de stupide ; & l'expérience fait voir tous les jours que plus on a de raison & de lumiere, plus on est sûr & propre pour le commerce de la vie. Un sot, dit la Rochefoucault, n'a pas assez d'étoffe pour être bon : on ne péche que parce que les lumieres sont moins faibles que les passions ; & c'est une maxime de théologie vraie en un certain sens, que tout pécheur est ignorant.
31  Cet amour de la société si essentiel au philosophe, fait voir combien est véritable la remarque de l'empereur Antonin : « Que les peuples seront heureux quand les rois seront philosophes, ou quand les philosophes seront rois ! »
32  Le superstitieux élevé aux grands emplois se regarde trop comme étranger sur la terre pour s'intéresser véritablement aux autres hommes. Le mépris des grandeurs et des richesses, et les autres principes de la religion malgré les interprétations qu'on a été obligé de leur donner, sont contraires à tout ce qui peut rendre un empire heureux et florissant.
33  L'entendement que l'on captive sous le joug de la foi devient incapable des grandes vues que demande le gouvernement, et qui sont si nécessaires pour les emplois publics. On fait croire aux superstitieux que c'est un être suprême qui les a élevé au-dessus des autres : c'est vers cet être, et non vers le public, que se tourne sa reconnoissance.
34 Séduit par l'autorité que lui donne son état, et à laquelle les autres hommes ont bien voulu se soumettre pour établir entr'eux un ordre certain, il se persuade aisément qu'il n'est dans l'élévation que pour son propre bonheur, et non pour travailler au bonheur des autres. Il se regarde comme la fin dernière de la dignité, qui, dans le fond, n'a d'autre objet que le bien de la république et des particuliers qui la composent.
35 J'entrerois volontiers ici dans un bien plus grand détail, mais on sent assez combien la république doit tirer plus d'utilité de ceux qui, élevés aux grandes places, sont pleins des idées de l'ordre et du bien public, et de tout ce qui s'appelle humanité ; et il seroit à souhaiter qu'on en pût exclure tous ceux qui, par le caractère de leur esprit, ou par leur mauvaise éducation, sont remplis d'autres sentimens.
36 Le philosophe est donc un honnête homme qui agit en tout par raison, & qui joint à un esprit de réflexion & de justesse les moeurs & les qualités sociables.
37  De cette idée il est aisé de conclure combien le sage insensible des stoïciens est éloigné de la perfection de notre philosophe : nous voulons un homme, & leur sage n'étoit qu'un phantôme. Ils rougissoient de l'humanité, & nous nous en faisons gloire ; nous voulons mettre les passions à profit ; nous voulons en faire un usage raisonnable, et par conséquent possible, et ils vouloient follement anéantir les passions, et nous abaisser au-dessous de notre nature par une insensibilité chimérique. Les passions lient les hommes entr'eux, et c'est pour nous un doux plaisir que cette liaison. Nous ne voulons ni détruire nos passions, ni en être tyrannisés, mais nous voulons nous en servir et les régler.
38  On voit encore par tout ce que nous venons de dire, combien s'éloignent de la juste idée du philosophe ces indolens, qui, livrés à une méditation paresseuse, négligent le soin de leurs affaires temporelles, & de tout ce qui s'appelle fortune. Le vrai philosophe n'est point tourmenté par l'ambition, mais il veut avoir les commodités de la vie ; il lui faut, outre le nécessaire précis, un honnête superflu nécessaire à un honnête homme, & par lequel seul on est heureux : c'est le fond des bienséances & des agrémens. La pauvreté nous prive du bien être, qui est le paradis du philosophe : elle bannit loin de nous toutes les délicatesses sensibles, et nous éloigne du commerce des honnêtes gens.
39  D'ailleurs, plus on a le coeur bien fait, plus on rencontre d'occasions de souffrir de sa misère : tantôt c'est un plaisir que vous ne sauriez faire à votre ami ; tantôt c'est une occasion de lui être utile, dont vous ne sauriez profiter. Vous vous rendez justice au fond de votre coeur, mais personne n'y pénètre ; et quand on connoîtroit votre bonne disposition, n'est-ce point un mal de ne pouvoir la mettre au jour ?
40  A la vérité, nous n'estimons pas moins un philosophe pour être pauvre ; mais nous le bannissons de notre société, s'il ne travaille à se délivrer de sa misère. Ce n'est pas que nous craignions qu'il nous soit à charge : nous l'aiderons dans ses besoins ; mais nous ne croyons pas que l'indolence soit une vertu.
41 La plupart des hommes qui se font une fausse idée du philosophe, s'imaginent que le plus exact nécessaire lui suffit : ce sont les faux philosophes qui ont fait naître ce préjugé par leur indolence, et par des maximes éblouissantes. C'est toujours le merveilleux qui corrompt le raisonnable : il y a des sentimens bas qui ravalent l'homme au-dessous même de la pure animalité ; il y en a d'autres qui semblent l'élever au-dessus de lui-même. Nous condamnons également les uns et les autres, parce qu'ils ne conviennent point à l'homme. C'est corrompre la perfection d'un être, que de le tirer hors de ce qu'il est, sous prétexte même de l'élever.
42 J'aurois envie de finir par quelques autres préjugés ordinaires au peuple philosophe, mais je ne veux point faire un livre. Qu'ils se détrompent. Ils en ont comme le reste des hommes, et sur-tout en ce qui concerne la vie civile : délivrés de quelques erreurs, dont les libertins mêmes sentent le foible, et qui ne dominent guère aujourd'hui que sur le peuple, sur les ignorans, et sur ceux qui n'ont pas eu le loisir de la méditation, ils croient avoir tout fait ; mais s'ils ont travaillé sur l'esprit, qu'ils se souviennent qu'ils ont encore bien de l'ouvrage sur ce qu'on appelle le coeur, et sur la science des égards.
19  La mayoría de los grandes, que no tienen tiempo para meditar por entregarse a la disipación, son feroces contra aquellos que no creen sus iguales. Los filósofos comunes, que meditan demasiado o, mejor dicho, meditan mal, lo son contra todo el mundo: huyen de los hombres y éstos los evitan. Pero nuestro filósofo, que sabe dividirse entre la soledad y el trato con los hombres, está lleno de humanidad. Es como el Cremes de Terencio, que siente que es hombre y que la sola humanidad lleva a interesarse en la buena o mala fortuna del prójimo. Homo sum, humani a me alienum puto.
20  Es innecesario destacar cuánto celo pone el filósofo en todo lo que se llama honor y probidad. La sociedad civil es la única divinidad, por así decirlo, que reconoce sobre la tierra: la venera, la honra con probidad, con atención exacta de sus deberes y con el deseo sincero de no ser en ella una carga o una molestia. Los sentimientos de probidad forman parte de la constitución mecánica del filósofo tanto como las luces del espíritu. Cuanta más razón se encuentre en un hombre, más probidad se encontrará también. Por el contrario, allí donde reinan el fanatismo y la superstición, reinan también las pasiones y el arrebato; se trata del mismo temperamento ocupado en objetos distintos: Magdalena amando el mundo o Magdalena amando a Dios es siempre Magdalena amando.
21  En otras palabras, lo que hace honesto al hombre no es obrar por el amor o el odio, la esperanza o el temor, sino por espíritu de orden o por la razón: este es el temperamento del filósofo. Pues sólo cuentan las virtudes del temperamento; confiad vuestro vino a quien no le plazca naturalmente y no a quien tome cada día una nueva resolución de no emborracharse jamás.
22 El devoto sólo es honesto debido a la pasión; y no hay nada seguro en las pasiones: más aún, el devoto, me atrevo a decir, tiene el hábito de no ser honesto hacia Dios, porque tiene el hábito de no seguir estrictamente las reglas.
23  La religión es tan poco proporcionada a la humanidad que el más justo de los hombres es infiel a Dios siete veces al día, es decir, muchas veces; las frecuentes confesiones de los más píos nos muestran que en su corazón, de acuerdo con su propia manera de pensar, hay una continua vicisitud entre el bien y el mal; en este punto, ¡basta creerse culpable para serlo!
24  El combate eterno en que el hombre sucumbe tan a menudo y a sabiendas forma el hábito en él de inmolar la virtud al vicio; se acostumbra a seguir esta inclinación y persistir en las faltas con la esperanza de redimirlas por el arrepentimiento: cuando se es infiel a Dios tan a menudo, se está dispuesto, sin saberlo, a serlo con los hombres.
25  Por otra parte, el presente siempre tuvo más fuerza en el espíritu de los hombres que el porvenir. La religión sólo retiene a los hombres mediante un porvenir que el amor propio obliga siempre a contemplar en una perspectiva bastante alejada. El supersticioso se ufana sin cesar de que tendrá tiempo para reparar las faltas, evitar los castigos y merecer las recompensas; la experiencia también muestra a menudo que el freno de la religión es muy débil. A pesar de las fábulas que el pueblo cree sobre el diluvio y el fuego divino sobre las cinco ciudades, a pesar de los cuadros sobre castigos y recompensas eternas, a pesar de tantos sermones y prédicas, el pueblo siempre es el mismo. La naturaleza es más fuerte que las quimeras: está celosa de sus derechos; se libera de sus cadenas allí donde la ciega imaginación, en su locura, quisiera contenerla: sólo el filósofo, que sabe disfrutarla, la regula con la razón
26   Examinad a todos aquellos contra quienes la justicia humana está obligada a blandir su espada: encontraréis temperamentos ardientes o espíritus poco esclarecidos, pero siempre supersticiosos e ignorantes. Las pasiones tranquilas del filósofo pueden muy bien llevarlo a la voluptuosidad, pero no al crimen: su razón cultivada lo guía y no lo conduce jamás al desorden
27  La superstición solo hace sentir débilmente a los hombres cuán importante es, para su interés presente, seguir las leyes de la sociedad. Condena incluso a aquellos que no la siguen por ese motivo, al que llama con desconfianza motivo «humano»: lo quimérico es para ella más perfecto que lo natural; así, sus exhortaciones obran como lo haría una quimera; turban y asustan; pero, cuando se apaga la vivacidad de las imágenes que produce, cuando se extingue el fuego pasajero de la imaginación, el hombre se queda sin luz, abandonado a la debilidad de su temperamento.
28  Nuestro sabio, que no espera ni teme nada tras la muerte, parece tener un motivo más alto al ser un hombre honesto en esta vida, y gana en consistencia, por así decirlo, y en vivacidad por el motivo que lo hace obrar, motivo que es todavía más fuerte por ser puramente humano y natural. Este motive consiste en la satisfacción propia que siente al estar contento consigo mismo siguiendo las reglas de la probidad, motivo que se da de manera imperfecta en el supersticioso: pues todo lo bueno que hay en él debe atribuirlo a la gracia. A este motivo debe sumársele otro muy poderoso; es el interés apropiado del sabio, interés que debe estar presente y ser real.
29 Separad por un momento al filósofo del hombre honesto: ¿qué le queda? La sociedad civil, su único dios, lo abandona; lo veréis entonces privado de las dulces satisfacciones de la vida, desterrado sin retorno del trato con las gentes de bien: por eso le importa mucho más que al resto de los hombres disponer de todos los recursos para lograr efectos que sean conformes a la idea de hombre de bien. ¡No temáis que, porque nadie lo observe, se entregue a una acción contraria a la probidad! No, esta acción no responde al dispositivo mecánico del sabio; está amasado, por así decirlo, con la levadura del orden y la regla; está lleno de ideas sobre el bien de la sociedad civil; conoce sus principios mejor que otros hombres. El crimen encontraría en él demasiada oposición, ya que para eso tendría que destruir demasiadas ideas arraigadas. Su facultad para obrar es como una cuerda de instrumento afinada en un tono, por así decirlo: no sabría producir el sonido contrario. Teme desafinar, desacordar consigo mismo; y esto me trae a la memoria lo que dice Veleyo de Catón de Útica: «nunca hizo buenas acciones para mostrar que las había hecho, sino porque no podía hacer otra cosa».
30 Por otra parte, en todas las acciones que hacen, los hombres no buscan más que la satisfacción propia en el presente: lo que los hace oabrar es el bien o, más bien, el aliciente que tengan en el presente, siguiendo la disposición mecánica en que se encuentren. Entonces, puesto que el filósofo no espera pena o castigo después de esta vida, ¿por qué queréis que sienta la necesidad de mataros o engañaros? Al contrario, ¿no está más dispuesto por sus reflexiones a encontrar más gusto en vivir con vosotros, lograr vuestra confianza, cumplir con los deberes de la amistad y la gratitud? ¿Acaso estos sentimientos no están en el fondo del hombre, con independencia de toda creencia sobre el porvenir? Y más todavía: la idea de hombre deshonesto es tan contraria a la de filósofo como la de estúpido y la experiencia demuestra todos los días que, cuanta más luz y razón se tienen, más seguro y preparado se está para la vida. «Un loco no tiene fuste para ser bueno», dice La Rochefoucauld: se peca porque las luces son menos fuertes que la pasión; es una máxima teológica verdadera en cierto sentido que todo pecador es un ignorante.
31  Este amor a la sociedad tan consustancial al filósofo muestra cuanta verdad hay en el comentario del emperador Antonino: «Los pueblos serán felices cuando los reyes sean filósofos o los filósofos reyes».
32 El supersticioso encumbrado en grandes ocupaciones se siente demasiado extranjero en la tierra como para interesarse verdaderamente por los demás hombres. El desprecio por grandezas y riquezas, y los otros principios de la religión, a pesar de las interpretaciones que se ha obligado a hacer al respecto, son contrarios a todo lo que puede hacer que un imperio sea floreciente y feliz.
33 El entendimiento que se adquiere bajo el yugo de la fe se muestra incapaz de la amplitud de miras que exige el gobierno y que tan necesaria es en los cargos públicos. Se ha hecho creer al supersticioso que es un ser supremo quien lo ha elevado por encima de los otros: y es hacia este ser supremo, y no hacia las gentes, donde dirige su agradecimiento.
34 Seducido por la autoridad que le da su estado, autoridad a la cual se han querido someter los otros hombres para establecer entre ellos la certeza del orden, se persuade fácilmente de que está encumbrado para la felicidad propia y no para trabajar para la felicidad de los demás. Se mira como el fin último de una dignidad que, en el fondo, no tiene otro fin que el bien de la república y quienes la componen.
35  Entraría aquí con gusto en más detalles, pero baste ver cuánta mayor utilidad debe obtener la república de aquellos que, ubicados en altos cargos, estén plenos de ideas de orden y bien público, y todo lo que se llama humanidad, y sería deseable que pudiera excluirse a aquellos que, por el carácter de su espíritu o su mala educación, estén llenos de otros sentimientos.
36 El filósofo es, pues, un hombre honesto que siempre obra según la razón y que une costumbres y cualidades sociables a un espíritu de reflexión y rectitud.
37  De esta idea es fácil concluir cuán lejos está el sabio insensible de los estoicos de la perfección de nuestro filósofo. Queremos un hombre, y aquel sabio no era más que un fantasma: ellos se ruborizaban de la humanidad y nosotros nos gloriamos de ella; nosotros queremos sacar provecho de las pasiones, queremos usarlas de manera razonable y, en consecuencia, posible, mientras que ellos querían alocadamente eliminar las pasiones y rebajar nuestra naturaleza por una quimérica insensibilidad. Las pasiones vinculan a los hombres entre sí, y no hay para nosotros placer más dulce que este lazo. No queremos destruir las pasiones ni ser tiranizados por ellas, sino que queremos servirnos de ellas y regularlas.
38  Se ve también, por todo lo que acabamos de decir, cuánto se alejan de la justa idea de filósofo esos indolentes que, librados a una perezosa meditación, descuidan la atención de los asuntos temporales y todo lo que se llama fortuna. Al verdadero filósofo no lo atormenta la ambición, pero quiere las dulces comodidades de la vida; además de lo estrictamente necesario, le hace falta lo honestamente superfluo para un hombre honesto, sólo aquello gracias a lo cual sea feliz: es el fondo de la decencia y la amenidad. La pobreza nos priva del bienestar que es el paraíso del filósofo: nos destierra lejos de todas las delicadezas de los sentidos y nos aleja del trato con las gentes honradas.
39  Por otra parte, cuanto mejor es el corazón, más ocasiones hay de sufrir por la miseria: ora un gusto que no podría darse a un amigo, ora una ocasión de serle útil que no sabrías aprovechar. Puedes rendir justicia al fondo de tu propio corazón, pero nadie puede penetrarlo: y, si se conociera tu buena disposición ¿no sería un mal que no saliera a la luz?
40  En verdad, no apreciamos menos a un filósofo porque sea pobre, pero lo desterramos de nuestra sociedad si no trabaja para librarse de la miseria. No es que temamos que esté a nuestro cargo; lo ayudaremos en sus necesidades, pero no creemos que la indolencia sea una virtud.
41  La mayor parte de los hombres se hacen una falsa idea del filósofo, imaginan que le alcanza con lo estrictamente necesario: este prejuicio nace de la indolencia y las máximas deslumbrantes de los falsos filósofos. Siempre lo maravilloso corrompe lo razonable; hay sentimientos viles que rebajan al hombre por debajo de la pura animalidad; y hay otros que lo encumbran por encima de sí mismo. Condenamos por igual a ambos, pues no le convienen al hombre. Es corromper la perfección de un ser empujarlo más allá de lo que es, aún bajo el pretexto de encumbrarlo.
42 Me habría gustado terminar con algunos prejuicios comunes del pueblo filósofo, pero no quiero hacer un libro. Que no se llamen a engaño. Tienen tantos prejuicios como el resto de los hombres, sobre todo en lo que concierne a la vida civil: al desembarazarse de algunos errores, por los cuales los mismos libertinos sienten debilidad y que hoy apenas dominan más que en el pueblo, entre los ignorantes, entre aquellos que no tienen el recreo de la meditación, creen haberlo ya hecho todo; pero que no olviden que, si trabajaron sobre el espíritu, tienen todavía mucho por hacer sobre aquello que se llama corazón y sobre la ciencia de las observaciones.
Derechos de autor Introducción El filósofo, p. 1